Le 16 octobre dernier sortait OBAA YAA, le dernier EP de la superbe Y’akoto. Écrit en 5 jours, cet opus est le produit d’une rupture amoureuse difficile à surmonter. Il est la preuve que le chaos émotionnel peut être source de beauté.

La musique de Y’akoto est particulièrement influencée par ses tourments personnels et ses choix de vie. Germano-ghanéenne, l’artiste vit plusieurs années en Allemagne où elle évolue entourée majoritairement de personnes blanches. Loin de l'épanouissement, elle noie sa peine dans l’alcool et l’écriture. Bien décidée à rebondir, elle déménage à Paris et s’installe près de Château Rouge, dans le quartier le plus noir de la capitale. Cette décision change tout, elle reprend confiance, découvre les îles caribéennes et fait des allers retours entre Pointe à Pitre et Paris. Grâce à ce nouveau mode de vie, elle rencontre de nombreuses personnes noires de son âge et parle avec elles de racisme, de pression et du sentiment de ne pas totalement appartenir à la société française. Elle s’installe ensuite au Ghana, son pays d’origine, et apprend à respirer et à se sentir chez elle. Seule ombre au tableau, elle ne peut plus créer. Heureuse et à sa place, ce qu’elle écrit lui semble dénué de sens.
Un événement va pourtant lui permettre de s’exprimer à nouveau par l'intermédiaire de la musique. La personne qu’elle aimait lui a brisé le cœur et lui a, par conséquent, permis de retrouver l’inspiration. Avec humour, elle dit elle-même être un cliché d’artiste. Sa lucidité lui permet de voir cet épisode douloureux comme une opportunité de créer. Son univers est aussi musical que philosophique. Cette facette de sa personnalité l’amène à voir les aspects négatifs de la vie comme des chemins vers plus de lumière, d’acceptation, de compréhension du monde et des autres. Et il me semble que cette complexité est essentielle pour faire d’un.e artiste un individu attachant et complet.
OBAA YAA a été enregistré et produit en 5 jours à Hambourg. Une prouesse rendue possible par Agajon, un grand ami de l’artiste. Après ce douloureux événement vécu au Ghana, Y’AKOTO se concentre sur elle, apprend à s’aimer, et comprend qu’elle doit tout quitter. Direction l’Allemagne où elle retrouve son acolyte avec qui elle avait déjà sorti coup sur coup, Saturday et Long Love en 2019. En février 2020, le duo suit son intuition et se plonge dans OBAA YAA, ressortent de ce travail 4 titres superbes. Fulgurant, l’EP est empreint de soul et traversé de synthés hypnotisant. Comme par l’intermédiaire d’un journal, Y’akoto nous raconte ses expériences au fil des morceaux. Intense, cet EP nous ferait presque oublier l’absence de l’artiste sur la scène musicale ces derniers années.
Agathe Pinet