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VSSVD : un rap touchant "qui donne la possibilité de comprendre ce que tu as envie de comprendre".

Dernière mise à jour : 19 oct. 2020

VSSVD - prononcé ASSAD quand on le remet à l’endroit - est bien loin d’être un groupe comme les autres. Originaires de la région de Tours, Bash (au rap), Benjamin (à la batterie et au sampler), Clément (au saxophone et aux claviers) et Romain (aux claviers), semblent plus que tout animés par l’envie de créer ensemble. Avec Rouge, ils reviennent pour nous bercer, non plus d’une musique acoustique à mi-chemin entre rap et jazz, mais d’une chill trap si riche et poétique que cela en est presque violent. Entretien avec deux membres du groupe.

© Louise Lécrivain, VSSVD
© Louise Lécrivain

Revenons à la genèse de VSSVD. Comment vous êtes-vous rencontrés ? Comment le groupe s’est-il formé ?


Clément : À part le beatboxer, on a tous fait Jazz à Tours, l’école de Jazz de Tours. On s’est tous rencontrés là-bas, amicalement et musicalement donc. Benjamin, Romain et moi faisions la section Jazz et Bash suivait la section Musiques Actuelles.


Benjamin : Si je ne dis pas de bêtise, le groupe est né il y a sept ou huit ans. C’était en 2013, à Tours. Pour l’histoire, Romain (le pianiste) et Vincent (le contrebassiste) avaient envie de faire de la musique ensemble. Ils avaient envie de faire du rap, donc ils ont contacté quelques rappeurs, dont Bash (Alex). La forme a évolué depuis. Au début, il y avait un batteur et un tromboniste. Puis, Clément au saxophone est arrivé, au même moment qu’un beatboxer. Je suis arrivé à la batterie à la sortie du second EP (Hyper Tendresse, 2016). Depuis août, nous sommes quatre et on commence à trouver nos repères.


Si VSSVD se démarque autant, c’est parce que le groupe revendique une certaine originalité. Votre groupe, au style hybride, mêlait sonorités acoustiques, harmonies du jazz et hip-hop par le passé. Quelles sont vos inspirations respectives et communes ?


C. : Quand on s’est réuni au tout début, on écoutait énormément de chansons différentes. J’écoutais beaucoup de jazz, comme Romain, qui écoutait également du hip hop. Vincent écoutait du hip hop et de la chanson française. Et Bash écoutait beaucoup de rap américain et français. Ce sont plusieurs identités qui nous ont rassemblés. L’idée, c’était vraiment de se retrouver pour essayer de faire de la musique ensemble. Tu donnais ce que tu avais à donner en fonction de qui tu étais. On se connaît par cœur musicalement, ce qui donne ce côté éclectique.


Après les EP Sabrina (2014) et Hyper Tendresse (2016), vous revenez avec Rouge (2020), un nouveau projet qui marque un tournant pour VSSVD, puisque vous passez de cinq à quatre membres et troquer la contrebasse pour des basses électroniques. Parmi ces six titres, on découvre un morceau trap vaporeux (“Rouge”), l’électronique “Bonnie”, “Crépuscule”, si doux qu'il frôle le cloud, ou encore le morceau trap “Mollo”. Seul “99” renvoie véritablement à vos origines musicales jazzy. Comment expliquez-vous cette évolution ?


C. : On a voulu se détacher du côté jazz qu’on a eu durant longtemps et du fait d’avoir du saxophone, de la contrebasse, de faire de la musique très acoustique… Là, c’est vrai qu’on a envie de se tourner, sans que ça se fasse sentir directement, vers des trucs un peu plus électroniques. Benjamin a notamment fait la production de “Rouge” et celle de “Mollo” sur son ordi, tout seul. Il nous les propose et on suggère des arrangements.


B. : Quand je suis arrivé, ça a un peu modifié le son du groupe et les compositions ont évolué. Je pense que c’est surtout une histoire d’esthétique. On a envie de faire de notre son, un son d'aujourd'hui. Il se passe plein de choses dans la musique. On est assez attiré par ce qui se passe dans le rap américain et français en ce moment.


C. : On essaye d’être actuel. Quel intérêt aurait-on à faire du Hip Hop Bap des années 80 alors qu’il y a des artistes qui le faisaient bien mieux que nous il y a trente ans ? On avance, on découvre...



Le projet Rouge est porté par le single du même nom. Le rouge, c’est une couleur qui saute aux yeux, et qui vient ainsi représenter un EP très intense. Ceux et celles qui l’écoutent ne manqueront pas de ressentir un sentiment d’urgence (“Il paraît que ce monde a les nerfs à vif”, “Rouge”).


C. : J’ai l’impression que nos textes, qui sont écrits par Bash, donnent la possibilité de comprendre ce que chacun a envie de comprendre. C’est vrai qu’il y a un sentiment d'urgence. Cela évoque un truc actuel, un truc de surconsommation, qui fait peur. Ça reste ouvert à l'interprétation de chacun, car toutes les choses qu’on pourra te dire ne sont que des interprétations. Si ça se trouve Bash te dira autre chose...


B. : Je pense qu’il y a une pression aussi. Enfin, je l'interprète un peu comme ça. Dans la musique, dans le rap actuellement, il faut sortir des sons tout le temps…


D’ailleurs, “Rouge”, qui a été créé au cours d'une résidence dans une clinique psychiatrique en milieu ouvert, s’accompagne d’une création audiovisuelle et interactive unique. De celle-ci, découle également un clip. Accompagnée du vidéaste Arthur Gouté, du développeur de jeux vidéo Florian Martin et de la graphiste Mélanie Boutet, la photographe Anne-Sophie Auclerc a ainsi créé un espace où images, son et jeu vidéo s’entremêlent. Son but : interpeller l’utilisateur et “faire écho aux violences quotidiennes”. Comment cette idée de collaboration est-elle née ?


B. : Je ne me souviens plus exactement de la genèse du projet. Avec VSSVD, on a fait une résidence d’une semaine dans cette clinique psychiatrique, la Chesnaie. On était cinq avec Vincent. On faisait des ateliers avec les résidents, on dormait sur place. Il y avait une certaine atmosphère, un truc humain assez chouette. Anne-Sophie est venue passer quelques jours avec nous, on en a profité pour faire quelques photos parce que le lieu était super.


C. : C’est une clinique à l’intérieur d’un ancien château, sur un immense domaine. C’est une clinique un peu spéciale parce que les résidents se préparent à s’insérer dans la vie. Ils y invitent des groupes pour faire des résidences. C’est un moment de partage. C’est un milieu ambivalent, où il y a beaucoup d’émotions. On y a joué “Rouge” pour les premières fois. On suppose qu’Anne-Sophie y a aussi trouvé son inspiration. Elle nous a proposé de faire de “Rouge” un projet interactif. Avec Mélanie et Johanna, deux amies à elle, elles ont décidé de développer tout un univers graphique autour de ça, ce qu’on a pu mettre en avant plus tard (ndlr : avec la pochette de L'EP par exemple). Ça nous a permis de donner à Rouge un univers super beau, qui provient d’un regard artistique impressionnant.


D’où le sentiment d’urgence et la pression ! Revenons un peu à vos textes… Vous semblez raconter de nombreuses histoires dans vos chansons, entre “Rouge” qui donne l’impression de s’être égaré, “Bonnie” qui parle (peut-être) d’une histoire d’amour… Et si l'on parlait de votre processus d'écriture ?


C. : Au début, quand les gars lui ont proposé le projet, Bash ne faisait pas du tout de rap. Il a commencé à écrire des textes avec VSSVD et a grandi au même titre que le groupe. Il a écouté du rap et écrivait sur des beats qui traînaient sur YouTube. On se retrouvait, il nous racontait le texte et on essayait de créer quelque chose dessus.


B. : Il y a eu d’autres méthodes de travail aussi. J’ai l'impression que, de plus en plus, Bash tend vers une écriture par images. Avec “Crépuscule”, il a essayé de toucher tout le monde en créant des images assez universelles. Je pense qu’il a aussi envie d’être plus fort pour raconter des histoires. Pour “Bonnie” par exemple, il a vachement bossé la narration. La chanson fonctionne bien avec l’instrumental.


Carrément ! On se sent tout de suite happé par cette chanson, cette “Bonnie”… Mais qui est Bonnie d’ailleurs ?


C. : C’est marrant parce que Bash disait qu’il avait l’impression de comprendre les textes qu’il écrivait quand on lui posait des questions (rires). Ce qui est bien dans le rap ou dans la musique, c’est que tu comprends ce que les artistes disent parce que cela te parle. Faut-il y trouver un sens concret, savoir ce que ça raconte ou qui est Bonnie ? Je ne sais pas… On ne saura pas vraiment ce que ça veut dire. J’ai l'impression que Bash écrit ses textes au fur et à mesure, et qu’un fil conducteur s’en dégage. Là, le fil conducteur, c’était Bonnie, mais je ne pense pas qu’il n’y ait qu’une seule vérité.

Un mot pour la fin ?


On est encore en indépendant, on fait tout nous-mêmes. C’était une année bien chargée pour VSSVD, mais ce n’est pas fini…



Propos recueillis par Laura Gervois.

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