Dès le premier single, nous étions conquis. Avec seulement quatre singles à son actif, Thomas Guerlet, "crooner parisien", délivre des chansons sensibles, à fleur de peau et nostalgiques, naviguant entre ses doux graves et ses aigus hors du temps. Il a déjà la prestance des plus grands, mais la timidité enfantine d'une personne qui se dévoile. Rencontre avec l'artiste dans son appartement parisien orné de tableaux de Henri Ottman, le jour de la sortie de son titre "The Derailer".

Tu as sorti en juin dernier le clip "The Derailer", un mot que tu as inventé. Peux-tu nous en parler ?
J’ai toujours été assez malheureux en amour - et pas forcément heureux au jeu d’ailleurs (rires). J’ai une capacité certaine à tomber amoureux facilement alors que les personnes en face de moi en jouent. Derailer veut dire "la dérailleuse". Pour moi, les dérailleuses sont des personnes que je rencontre avec qui va s’installer un jeu de séduction, et le premier qui perd c’est celui qui tombe amoureux. Je perds toujours. C'est la chanson la plus vieille que j’ai sur l’album, la première que j'ai créée. Je l’ai écrite il y a trois ans, alors que j’étais face à quelqu’un avec qui je ne maîtrisais rien.
Des dérailleuses, j’en ai rencontré beaucoup. Elles sont passées comme ça, furtivement, intensément. C'est une chanson un peu cynique, elle m’a échappé. Je l'ai écrite en vingt minutes sur un piano dans le sud. C’est la beauté de la chose, je suis content qu’elle me soit venue pour mettre des mots sur des sentiments, elle m'a permis de libérer des choses.
Quand tu écris, tu as conscience des autres ou tu n'écris que pour toi ?
Rien ne peut plus me chambouler que quelqu’un qui me dit que ma musique lui a procuré des émotions, l'a touché. Mais je pense qu’on ne peut pas arriver à un résultat comme ça si on n’écrit pas pour soi, je pense. Ça ne m’intéresse pas de faire des phrases alambiquées au possible. C’est pour ça que j’aime écrire en anglais, car il y a une notion abstraite qui rentre en jeu et qui permet de faire des phrases très simples avec des choses plus imagées.
Pourquoi avoir choisi de faire un clip en plan-séquence et en reverse ?
C’est venu du sentiment que cette chanson est un constat, de voir les choses telles qu'elles étaient. J’ai voulu filmer l’émotion vue de l’extérieur. J’ai toujours envie de voir à l’origine des choses donc ça m’intéressait de filmer les choses à l’envers. J’ai également une grande passion pour le cinéma donc je voulais faire quelque chose d’esthétique.
Peux-tu nous parler de tes deux premiers singles "How Strange" et "Crystal Clear" ?
"Crystal Clear" est une chanson qui me tient énormément à cœur. C’est une des premières chansons avec laquelle j’ai essayé de ne rien cacher, de tout mettre sur la table et de voir ce qu’il se passe. On m’avait vendu l’amour comme quelque chose de beau, de simple, de "crystal clear" (ndlr : limpide) alors que ce n’est pas comme ça que je l’ai vécu.
"How Strange" parle du fait de vieillir. Vingt et un ans, c’est un âge bizarre, les choses avancent, parfois elles reculent... On est dans un entre-deux entre adolescent et adulte. On vit pour nous, on essaie d’avancer seul et on commence à comprendre. Le pire est de se rendre compte qu’on ne sera plus jamais un enfant. Et c’est étrange.
On dit souvent que tu es un "dandy crooner"... Quelles sont tes influences ? De quoi te nourris-tu ?
J’ai écouté énormément de musique française. Depuis petit, je savais déjà que je voulais être chanteur. J’ai eu plusieurs grands déclics : à cinq ans, j’étais obsédé par une seule chose c’était Eddy Mitchell. Puis à dix ans, j’ai découvert les Beatles. J'ai aussi pris des claques avec Gainsbourg, Michel Legrand et à quinze ans, j’ai découvert King Krule, je me suis dit "waw, des mecs qui font de la musique que j'ai envie d'entendre". Je me suis également tourné vers le jazz puis la musique de film avec Sarde, Legrand… Le cinéma est aussi ma deuxième passion, il m’influence beaucoup également : le cinéma anglo-saxon mais aussi le cinéma français, Bertrand Blier, Godard, Truffaut. Les films avec un peu de provocation m’ont toujours chamboulé.
Tu peux nous faire un top trois de tes morceaux préférés ?
"La Valse de Mélody" de Gainsbourg ; "L'adagio Sostenuto du Concerto pour Piano n°2" de Rachmaninov et "Honeycomb" de Kadhja Bonet.
Enfin, puisque chez Tourtoisie Music on met en avant les artistes émergent.e.s francophones, aurais-tu un.e artiste à nous conseiller ?
Courrier Sud !
Retrouvez Thomas Guerlet sur toutes les plateformes de streaming et découvrez également son dernier clip "Dis quand reviendras-tu ?", reprise de Barbara, par ici.
Propos recueillis par Prisci Adam