À l’heure du confinement, Tourtoisie redouble de curiosité afin de dénicher des artistes aux sonorités résolument joyeuses ou bien aux vertus apaisantes. C’est sans doute dans la seconde catégorie que se classe le dernier EP de la Norvégienne Charlotte dos Santos, Harvest Time.

Dans les loges de la Boule Noire à Pigalle, la chanteuse norvégienne s’apprête à enfiler une élégante combinaison blanche afin d’envoûter son public. Dernièrement, les choses se sont accélérées pour Charlotte dos Santos, dont le premier EP, Harvest Time, sortait le 13 mars dernier. Le jour de son passage dans la petite salle parisienne, elle cumule déjà trois jours de concerts d’affilée – la veille, c’était à Bruxelles. La suite, c’est à Madrid, qu’elle ne connaît pas encore et rêve d’explorer.
Après un premier album lumineux sorti en 2017 intitulé Cleo, Charlotte dos Santos a vu sa carrière avancer un peu plus à chaque nouvelle étape. Les choses sérieuses commencent dès la publication de sa session COLORS, où la musicienne apparaît seule sur un fond beige des plus sobres : “Beaucoup de personnes m’ont découverte ainsi. Je crois que je n’y avais pas trop réfléchi en amont – et tant mieux ! Dans le milieu de la musique, tout est si incertain… Je suis persuadée qu’il faut saisir les opportunités qui viennent sans y penser à deux fois” assure-t-elle. “Ce qui est sûr, c’est que cette session m’a permis de sortir de ma coquille”.
Si l’on demande à Charlotte dos Santos où se trouve son lieu de création favori, la réponse est précise : chez elle, dans son propre studio, à Oslo. Bien que ses deux premiers disques soient des collections de morceaux composés un peu partout, de Boston à New York en passant par Berlin, la chanteuse confie qu’elle pourrait être n’importe où, du moment qu’elle soit seule. Cette légère préférence s’étend jusqu’à la scène, où sa présence rayonnante envahie les moindres recoins : “Il m’arrive de préférer faire des concerts en solitaire, car j’ai le contrôle sur tout, du volume à toute l’atmosphère. J’ai l’impression que le public se concentre davantage sur les paroles quand je suis seule – c’est une jolie manière de souligner les histoires que je raconte” observe la Norvégienne, avant d’ajouter en riant : “Et puis, c’est plus facile pour mes oreilles !”
Après un premier album résolument solaire et groovy, Charlotte dos Santos explore des sonorités plus douces et atmosphériques dans Harvest Time. Comme un passage du soleil à la lune, du jour à la nuit. “J’ai composé Cleo à l’aube de mes vingt ans, alors que pour Harvest Time, j’approche de la trentaine. Si je devais donner une couleur à ce disque, il serait définitivement plus bleu ou vert que le premier. Je ne serai pas capable de composer deux fois le même album – ça s’appelle grandir, en tant que musicien”.
Dans le corps d’une chanteuse de bientôt trente ans se cacherait donc l’âme d’un vieux sage ? Peut-être, tant l’attitude nonchalante et douce de Charlotte dos Santos invite à la sérénité. Interrogée sur la part croissante des réseaux sociaux dans la carrière des artistes, elle répond, évasive, qu’il faudra bien suivre la tendance – tout en admettant qu’Instagram a contribué à sa notoriété. Suivre et s’adapter, tout en continuant à faire de la musique qui lui ressemble. De Mariah Carey à Whitney Houston, en passant par Toni Braxton, les idoles de la Norvégienne reflètent sans surprise sa musique soul, aux influences brésiliennes : “Mon père écoutait beaucoup de musique brésilienne, mais aussi du hip-hop et du jazz, alors que ma mère écoutait des musiques nord-africaines, arabes et même du flamenco !”. Un bouillon de cultures que les oreilles attentives peuvent retrouver dans les deux premiers opus de la musicienne, qui travaille déjà sur un prochain album.
Propos recueillis par Lolita Mang