Originaire de Colmar en Alsace et arrivé sur la capitale il y a 2 ans, SONBEST est venu avec l’ambition de "braquer le rap français" grâce à une identité détonante. Rencontre.

Salut SONBEST, est-ce que tu peux te présenter rapidement ?
Je m’appelle SONBEST. Je suis un artiste/rappeur de Colmar. J’ai 22 ans. Et ça fait deux ans que je suis à Paris.
Tu as bougé à Paris…
… pour la musique ! Pour les opportunités. Il y a beaucoup plus d’opportunités à Paris, c’est le centre du game un peu.
On a pu voir que dans beaucoup d’articles, ta musique était « catégorisée » comme cloud rap, trap ? Qu’est-ce que tu en penses ?
Oui la catégorisation, ce n’est pas … De toute façon, les gens te mettent où ils veulent. Pour moi, je fais de la musique. Que ce soit cloud, que ce soit autre chose… après les gens te collent un peu toujours une étiquette pour pouvoir un peu te situer. Mais sinon je dirais… Je ne sais pas… Comme je te dis ma musique c’est de la musique, je n’ai pas envie de me mettre dans une case.
Une comparaison à laquelle tu n’as pas échappé c’est Laylow…
Ça, il ne fallait pas le dire mec (rires). Ce mec a une oreillette chez nous. (rires) À chaque fois, il sort avant nous : le son intitulé « Poizon », la cover... J’ai trouvé ça abusé. D’un côté c’est bien parce que j’aime bien Laylow, je kiffe sa musique, mais vas-y !
Pour le son "XO", je comprends la comparaison mais pour le reste de l’EP, je ne vois pas du tout. À part un peu pour les lyrics, parce que c’est du émo rap mais sinon ça n’a rien à voir. Après, on ne contrôle pas ce que disent les gens. Ce que je n’aime pas ce sont ceux qui disent que c'est du « copié-collé » alors que j’ai fait mon truc. Mais par la suite, ils vont voir, je vais me détacher.
Parlons de ton EP Lotus, sorti en juin. Comment as-tu lancé ce projet ?
Je suis arrivé à Paris avec quelques sons en stock mais ce n’était pas encore abouti. Et c’est quand j’ai rencontré le collectif Avlanche que l’on a commencé à travailler ensemble. Je suis assez productif et je fais tout le temps du son et je me suis dit que j’avais envie de faire cet EP. On s’est lancé dans le truc au fur et à mesure.
Et le nom Lotus, d’où vient-il ?
Il vient de ma tête. De base, on cherchait un nom pour le projet, on voulait mettre Immersion 2 mais on s’est dit qu’il fallait laisser le passé dans le passé. Lotus ça correspondait bien à ma situation : je suis toujours en train d’essayer de sortir de la merde, de la galère. Le lotus est une fleur qui pousse dans la boue et c’est un peu un signe d’espoir.
On découvre une ambiance particulière qui se dégage de cet EP, avec des visuels très travaillés et une grande cohérence. Tu avais cette ambition dès le début du projet ?
Bien sûr ! Dès le début, on avait déjà une vision. Il fallait déjà se différencier de ce qui se faisait dans le rap français. Et puis avant ça, déjà en Alsace, j’avais analysé là où je voulais aller. Je suis venu à Paris et j’ai rencontré Swimthedog (ndlr : son manager et réalisateur des clips) qui a complété cette vision avec son talent.
On a l’impression justement que tu t’inscris dans une nouvelle génération de rappeurs qui accorde de plus en plus d’importance aux visuels, à développer un univers autour des projets. C’est quelque chose que l’on voit beaucoup aux États-Unis avec par exemple Travis Scott, Asap Rocky, etc… Mais ça reste assez rare en France. Est-ce que tu penses que c’est quelque chose d’obligatoire aujourd’hui d’avoir, en plus de la musique, un univers, des visuels travaillés ?
Ce n’est pas obligatoire mais c’est important ! Après ça dépend ce que tu veux faire. Pour moi, c’est important de développer la musique et l’image parce que ça va ensemble, tu vois ce que je veux dire. Il y a certains rappeurs qui vont faire un clip en bas du bloc, et ça leur convient. Mais moi, pour le style de musique que je fais… Tu vois, il y a les paroles mais il y a les images aussi qui peuvent te donner une émotion.
Et justement les influences américaines que je viens de citer, elles te parlent ?
Travis Scott, Kid Cudi … Bien sûr ! Totalement ! Ce sont des artistes qui ont un univers et une identité propres. C’est ça qui m’intéresse aussi. Ils font un peu du divertissement. Et c’est un peu là-dedans que je veux me diriger.
Je vais citer les producteurs qui sont crédités sur cet EP : Cova, Wise, Rayo, Raspo, Larbi, Sketchmyname, Yusei, Scarbxy, Palaze, … Racontes nous un peu comment tu les as rencontré et ce qu'ils ont apporté dans la conception de cet EP.
Alors, Wise est un pote d’Alsace. J'ai rencontré Cova à Paris. Comme Scarbxy. Ce sont trois potes vraiment proches qui habitent avec moi. Et j'ai rencontré Rayo via Swimthedog, qui a fait la prod de "XO". Le reste, c’est grâce à Internet... Je me suis entouré de proches. C’est le plus important. Si on a une équipe alors autant qu’on travaille avec ce qu’on a, pour proposer des choses aux gens plutôt que prendre à gauche, à droite.
Au-delà des prods, Wise a eu l’idée des transitions. Et puis après ils m’ont conseillé un peu sur la direction. Ce sont des avis, de bons avis.
Tu as dit t’être entouré de proches. La loyauté, c’est d’ailleurs un thème que tu abordes dans les textes de cet EP…
C’est important ! Tu ne trouves pas ? C’est important de pouvoir faire confiance aux gens avec qui tu marches. Dans tout : dans l’amour, dans l’amitié, etc. C’est la base d’une relation saine.
Tu es aussi très nostalgique dans les 7 titres de cet EP. Nostalgique de Colmar ?
Sur toute mon enfance en vrai. J’ai l’impression que quand j’étais petit, je n’ai pas trop capté… Je n’ai pas trop capté les moments décisifs… Les bons moments dans ma vie. Et du coup je suis souvent nostalgique, je repense à des trucs que j’aurais vécu un peu plus. Je ne sais pas comment t’expliquer… Sur le moment, je n’ai pas compris que c’était important. Je ne profitais pas assez quand j’étais petit. J’ai l’impression de ne pas trop avoir profité de cette jeunesse. Et puis Colmar, l’Alsace et tout, j’ai bougé à Paris donc il y a plein de trucs qui sont restés là-bas, tu vois.

Tu dis avoir « pris la vie à contre courant » dans « Panthère ». Tu peux nous expliquer cette phrase ?
C’est par rapport à la famille, tout ça. La musique, comment c’est perçu... « Tu fais de la musique, ce n’est pas bien ». Tu sais, tu vas à contresens de ce que les parents veulent. Ma famille voulait que je fasse des études. Et même mes amis en Alsace, ils ne me soutenaient pas forcément dans la musique. Je marchais à contre courant de ce qu’ils voulaient. Mes amis voulaient que je fasse un truc plus « quartier » et je suis parti dans une autre direction. Je vais toujours un peu à contresens de ce que les gens veulent pour moi. Pour mon bien, je devais aller dans cette direction. Seulement, les gens ne me voient pas comme ça. Et ça a été un effort pour moi de quitter Colmar et d’aller à Paris. Mais ce sont des risques à prendre et je n’en serais pas là aujourd’hui si je n’avais pas pris ces risques.
Je vais aborder une image qui revient souvent dans l’EP, la nuit. Quelle signification accordes-tu à ce mot ?
Tu sais moi à l’ancienne, la nuit, je fumais beaucoup et puis c’est le soir que l’on faisait le plus les cons. En termes de conneries, de fête, ça se passait la nuit. C’est un moment où tu es comme une autre personne. Et j’ai l’impression que la nuit, tu es plus ouvert à parler et tout. Et puis c’est les tentations. Tout se passe la nuit : les braquages, etc. Tout se passe la nuit, tout le mal, tous les vices.
Tu as d’autres projets en préparation ?
Oui, il y a d’autres projets qui vont arriver forcément. On ne s’arrête pas là ! On prépare, ça va venir. Il y aura d’abord des singles un peu dans la même ambiance et puis plus tard il y aura peut-être d’autre sonorités rock ou house un peu. On essaye d’explorer un peu tout. On veut faire des grandes choses, on veut marquer les gens.
On t’entend un peu chanter sur « Panthère » notamment. C’est quelque chose que tu souhaites explorer aussi ?
Je ne suis pas encore bon à 100% mais c’est un premier essai, c’est pas mal et on va essayer de perfectionner ça. Peut-être chanter sans auto-tune et faire des trucs vraiment acoustiques. Ça pourrait être bien.
Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour la suite ?
La suite mon pote : le jet privé ! C’est ça qu’on vise (rires) ! Non, en vrai, on continue comme ça. On garde la tête sur les épaules, les pieds sur terre et on continue comme ça. Rien n’est encore fait et on a encore beaucoup à prouver, on verra pour la suite.
Propos recueillis par Yann Carles