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Buvette : “4EVER aurait pu être mon dernier album”

Dernière mise à jour : 24 févr. 2020

Dix ans, quatre albums, des concerts seul, à deux ou en groupe. Alors que sort 4EVER, le dernier album de Buvette – Cedric Streuli de son vrai nom –, le musicien se trouve à l'heure du bilan et de l'introspection. Entre désirs de continuer et d'en finir, le disque marque la fin d'une ère musicale. Rencontre.


© Charles Negre
© Charles Negre

Pourrais-tu commencer par parler de l’album qui vient tout juste de sortir, 4EVER. Sa conception a-t-elle été différente de tes précédents disques ?


Oui, comme presque à chaque fois. Le processus est différent à chaque album, du fait de l’envie de ne pas produire des choses fixes et récurrentes. Chaque album est une expérience, surtout pour moi. Le précédent par exemple, Elasticity était plus collectif. Ici, je n’étais plus qu’avec un producteur, Apollo Noir. Plusieurs morceaux de l’album datent néanmoins de l’époque où je jouais encore avec un groupe. “True Stories” en fait partie : avant, il sonnait plutôt comme une ballade de rock des années 70. C’était intéressant de les transposer sur des synthétiseurs. Et en plus, cet album s’est fait assez rapidement, par rapport aux précédents. La plupart des morceaux ont été fait en 2019. Le dernier morceau a été composé il y a six mois !



Comment vous-êtes vous rencontrés avec Apollo Noir ?


C’est un ami en commun qui nous a présenté, il y a deux ou trois ans. On s’est très bien entendu et on a tout de suite pensé à faire de la musique ensemble.


Qu’est-ce qu’il a apporté à ta musique ?


Il a surtout apporté une possibilité d’élargir la palette de sons, en termes d’intensité et de personnalité. Elasticity, l’album que j’ai composé en groupe, a été impulsé par l’envie que j’avais de quitter mes synthétiseurs très naïfs des débuts. Aucun son n’était modulé, aucun son ne bougeait. Rémi [Sauzedde] a apporté son expertise et sa maîtrise. Là où moi, il y a 10 ans, je me suis plongé dans l’écriture de chansons, lui s’est tourné vers le travail du synthétiseur pour devenir producteur. Pourtant quand j’ai écouté sa musique la première fois, je n’étais pas sûr que ça puisse marcher. Mais quand je l’ai rencontré, j’ai tout de suite compris qu’on parlait le même langage.


Comment est née l’idée de l’album ? Quand on l’écoute, on a l’impression qu’une histoire se déroule du début à la fin.


L’idée est née en cours. Quand j’ai fait Life, mon dernier EP, l’album n’était pas du tout lancé. Chemin faisant, on a découvert qu’on avait quelques morceaux aboutis. Mon label, Pan European Recording, a proposé de sortir ces quelques morceaux, et de continuer sur cette voie. Tout s’est imbriqué en route ! C’est génial quand ça se passe comme ça.


Parle-nous un peu de “Jupithing”, ce titre OVNI de dix minutes en plein milieu de l’album…


C’est la pièce maîtresse de ma collaboration avec Apollo Noir ! C’est pas le morceau qui nous a pris le plus de temps à faire. Au début, il durait trois minutes trente et sa composition était très classique en alternant entre couplet et refrain. Et puis on a rajouté une pause d'une minute en plein milieu. On l’a allongée petit à petit… À chaque fois, on était toujours frustrés car on trouvait cette pause trop courte. Il nous a fallu huit ou dix sessions pour aboutir.


Il y a d’autres morceaux sur lesquels vous avez eu beaucoup mal à travailler ?


“Last Dance”. Au départ, elle était totalement différente, à commencer par la ligne de basse. Arthur Peschaud, le directeur artistique du label, qui est un peu l’homme de l’ombre de l’album, nous a fait remarquer qu’elle sonnait un peu comme dans une boîte de nuit de province. La ligne de basse était vraiment pourrie ! C’était un des premiers morceaux que l’on a travaillé, mais on l’a longtemps mis de côté.


Et alors Auto-tune, parlons-en ! “Xoxo” est assez troublant…


Ce n’est pas exactement Auto-tune, c’est un Harmonizer ! Il y a un tout petit peu d’Auto-tune, mais c’est plutôt un logiciel qui double ma voix une octave au-dessus. Ce morceau réside dans l’effet. Pour avoir fait un album entier dans le studio d’Apollo Noir sur une quinzaine de synthétiseurs, ce titre est l’exception du disque. On l ’a fait avec un son d’usine déjà enregistré : le son n°3. Et pour le synthétiseur, c’est pareil : il s’agit d’un son d’usine également. Pour l’anecdote, je rentrais de concert avec la gueule de bois. J’avais des paroles en tête et au lieu de simplement ranger mes affaires après le concert, j’ai ressorti le synthétiseur et j’ai trouvé le morceau en dix minutes. Même en live aujourd’hui, je n’arrive pas à le faire aussi bien ! Mais pour revenir à Auto-tune, je le considère comme un instrument pour la voix, très ancré dans une époque. Mais je ne parierai pas sur sa disparition…


Tu habites à Paris depuis quelques années maintenant, et 4EVER est un album très urbain. Dans quelle mesure l’endroit où tu te trouves influence ta musique ?


C’est vrai ! Ça tient aussi du fait que le synthétiseur modulaire, en termes de couleur sonore, est très froid. On ne l’entend pas dans les salons de massage ! Et il y a peut-être une notion d’urgence, aussi. Le temps qui file, c’est le propre de la ville. À la campagne ou au bord de la mer, c’est un peu plus tranquille.


Il y a des endroits où tu préfères aller pour composer ?


Sachant que la musique reflète l’état d’esprit et l’endroit dans lequel on se trouve… je crois que j’aime toutes les expériences. En ville, tu rencontres plus de gens qui font de la musique, avoir plus d’interactions. C’est plus stimulant que de te retrouver avec une super grange, des batteries et des amplis mais ne rester qu’avec les trois mêmes personnes, voire tout seul, à faire de la musique. Mais paradoxalement, à Paris, c’est impossible de faire du son dans des endroits où il y a une fenêtre. Tu te retrouves toujours au troisième sous-sol, déconnecté du monde…


Tu pourrais passer des heures et des heures en studio ?


Ça faisait longtemps, mais cette semaine je suis arrivé en studio à 15 heures et je suis reparti à 4 heures du matin. C’était trop cool ! Je suis sorti une seule fois boire un café, mais sinon je suis resté enfermé tout seul. C’est comme quand tu vas très vite en vélo, ou tu joues de la batterie… tu es ailleurs. Tu vas dans des endroits de ton esprit où tu ne peux pas aller si tu es constamment sollicité. Tu te retrouves tout à coup dans un moment hors du temps. Ça faisait longtemps que ça ne m’était pas arrivé.


Au niveau du live, tu es passé d’une formation en groupe à une configuration où vous êtes seulement deux sur scène. Qu’est-ce que ça change ?


Avant, j’étais même tout seul ! Pendant cinq ans. C’était très cool, et le groupe aussi. C’était le propos de l’album précédent. Mais je dois avouer qu’à deux, c’est la meilleure formule. Il y a cette notion de jouer avec quelqu’un, avec une interaction, des jeux de regards… Le concert ne dépend pas que de toi, et l’autre peut te surprendre. Et en même temps, tous nos instruments sont déjà prêts, c’est très pratique. Avec le groupe il faut louer un van, l’amener au studio puis conduire jusqu’à la ville du concert… C’est plus compliqué. La formule à deux me plaît beaucoup et elle sert le propos de la musique que je fais maintenant.


Buvette a dix ans. Tu n’en as pas marre un peu ?


Pendant que je faisais l’album, je n’ai pas osé en parler au label mais je me disais que 4EVER serait le dernier. Pas parce que j’en avais marre, mais plutôt parce que je pensais avoir tout dit. Je ne me vois pas avoir 50 ans et faire encore de la musique en tant que Buvette. J’ai toujours eu d’autres projets à côté. Je pense que je vais commencer à faire des choses différentes. Je vais monter un groupe avec un ami mexicain, qui tournera autour de la poésie, en espagnol. C’est lui qui a fait le clip de “Last Dance”, qui s’est tourné en catastrophe deux semaines avant sa sortie. Deux jours avant, on était encore au montage !



Propos recueillis par Lolita Mang


Buvette sera en concert à la Maroquinerie le 14 avril 2020. Retrouvez plus d’informations sur la page Facebook de l’évènement.

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