Une pochette d’album, c’est un peu comme la couverture d’un livre : malgré le dicton, on lui fait parfois confiance aveuglément, à tort ou à raison. Qu’elles aient été réalisées par des professionnel.les de renom ou qu’elles soient DIY, les pochettes sont tout bonnement indispensables. Parmi celles-ci, il y a celles qui ne nous ont jamais déçus ; celles qui sont de véritables oeuvres d’art ET qui illustrent parfaitement l’univers musical d’un.e artiste. Alors, donner envie d’écouter des albums grâce à leurs pochettes ? On a souhaité relever le défi ! Voici la rubrique Pochettes Surprises.
Hier soir, Midi minuit
En mars dernier sortait Midi Minuit, le deuxième EP du duo Hier soir. Cinq titres écrits et enregistrés sur le vif qui nous plongent dans l’obsession des deux artistes pour le temps et la dualité. Cet opus est un condensé des paradoxes qui font l’univers d’Hier Soir. La cover floutée de Midi Minuit est mélancolique, esthétique et illustre cette course après le temps qui nous empêche de voir clairement le monde.
Cet EP est à l’image de son nom : c’est un lieu où les contraires s’attirent et où la nostalgie peut être joyeuse. Sur la pochette, Alix (de Melody Says) et Clément (Jumo) - les deux têtes pensantes derrière Hier Soir -, se trouvent derrière une vitre opaque, ils sont visibles mais inatteignables. Encore une opposition qui va de pair avec leurs antagonismes à eux. Car opposés, les artistes le sont, c’est d’ailleurs l’ADN du groupe. En effet, leur musique est influencée par leurs univers originels respectifs. Clément vient du milieu de l’électro et à la mainmise sur la partie synthétique tandis qu’Alix est issue de la scène alternative. C’est sa voix à elle que l’on entend mettre des mots sur les émotions, tour à tour personnelles et universelles.
La cover aussi est un catalyseur de paradoxes, les couleurs sont douces, presque reposantes mais l’atmosphère y est quelque peu anxiogène. Elle nous donne envie de plonger dans l’univers du duo mais toutefois avec une certaine appréhension. Cette direction artistique est en adéquation avec les morceaux qui, au-delà de leur lumière, abordent des thèmes qui poussent à l’introspection.
Cet opus, c’est aussi le désir de faire voyager les gens depuis de chez eux, de les emmener dans un autre espace-temps avec le sourire aux lèvres. Pour enregistrer cet appel à l’évasion, le duo s’est retrouvé aux Sables-d’Olonne, dans le studio de Clément. Ils en sont ressortis cinq jours après avec les titres terminés. Après deux années d’existence, Hier Soir nous offre un EP abouti qui transcende les corps et les esprits.
Roseland, To Save What is Left
To Save What is Left est le titre poétique du projet personnel d’Emeline Marceau, membre du duo féminin Génial au Japon, un album entièrement auto-produit et distribué par Inouïe Distribution. Il met la lumière sur la face obscure de la chanteuse, dans un univers où règne une atmosphère mélancolique et intime. La pochette, un artwork représentant un homme assis en tailleur sur une plage, nous tournant le dos, nous ouvre justement la porte sur cet univers.
Ce premier album se présente comme un journal intime. La chanteuse prend des allures de poétesse et pose des mots sur ses émotions et ses tourments. La voix est sûre d’elle, les mélodies sont stridentes et les instrumentales bénéficient d’une influence électro prégnante. La cover illustre bien le sentiment presque oppressant que l’on peut ressentir à l’écoute de ces morceaux entêtants. L’homme présent au centre de la pochette évolue dans un cadre idyllique mais le haut de son torse est effacé et les contours de son corps sont par endroits brouillés. C’est comme si cette disparition du corps représentait l’énergie torturée qui se dégage de l’album.
Signé Julien Graizely, cet artwork permet néanmoins de redonner de la couleur à un album qui oscille entre des morceaux aux résonances pop et d’autres plus sombres et synthétiques, à l’instar de « Too much ». Julien, un artiste contemporain, s'applique ainsi à exprimer ses questionnements sur l’espace et le temps à travers la peinture et le dessin. Dans son univers, l’impulsion du geste est centrale, gribouillages et griffures se retrouvent dans la pochette de To Save What is Left.
Un groupe français, Secrets d’oreiller
Le 15 mai 2020 nous découvrions Secrets d’oreiller, le premier EP d’Un groupe français. L’homme derrière ce projet est Walter Laguerre, ancien chanteur, guitariste et bassiste du groupe de pop psychédélique Mr. Crock. Au-delà de ses qualités musicales, Walter est artiste, c’est donc tout naturellement qu’il a pensé et créé l’image de Un groupe français. La cover qu’il a réalisée pour cet EP est en phase avec son univers pop et groovy.
Laguerre a également réalisé les pochettes des singles « Latente » et « Fée princesse » inclus sur Secret d’oreiller, qui sont colorées et dynamiques, à l'image des instrumentaux rythmés de l’EP. Ce dernier est un lieu de récits évoquant les nuits parisiennes, les amours perdus, la séduction et les rencontres. A travers ses histoires personnelles, Un groupe français évoque des sujets universels et arrive à tous nous toucher.
Influencé par des groupes anglo-saxons comme Tame Impala et Metronomy, dont on retrouve certaines sonorités, le chanteur a toutefois souhaité mettre l’accent sur un univers plus funky. Cet EP est un savoureux équilibre entre textes profonds, musique rétro et instrumentaux dansants. La fibre artistique de Walter se ressent à l’écoute, lui qui prend tant de plaisir à insuffler sa créativité dans ses clips et sur son compte Instagram. On y voit des oppositions entre couleurs chaudes et froides ou encore entre couleurs vives et noir et blanc, à l’instar de la pochette de cet opus. Plonger dans son univers, c’est se laisser entrainer dans des scènes de la vie du chanteur sur fond de mélodies entêtantes.
Par Agathe Pinet
