Parce que les clips sont parfois de véritables bijoux, dignes de chefs-d'œuvre cinématographiques ; qu’ils sont le reflet visuel de l’univers musical de l’artiste. Parce que l'œil de l'équipe réalisation d’un clip a également son importance ; parce que leur vision artistique et leur rôle ne sont pas à négliger. Parce que mettre la musique en images donne parfois une seconde lecture à un morceau, on a souhaité analyser tout ça, pour vous : voici la rubrique Plan Clip.
Keep Dancing Inc, “Start up Nation”
Après leur dernier clip “Could U Stop”, sorti le 19 février, les Keep Dancing Inc reviennent avec leur nouveau single “Start up Nation” accompagné d’une vidéo lyrics.
C’est sur leurs réseaux sociaux que nous apprenons que ce morceau devait en principe être mis en image par un “vrai” clip, mais confinement oblige, la vidéo n’a pu être tournée. En attendant ce clip qui sera peut-être tourné par la suite, le groupe a publié une vidéo lyrics dont les images proviennent de leur dernier voyage à Margate, en Angleterre, où ils ont enregistré la fin de leur album.
Cette vidéo, montée par Eugène Signoret, est un mélange entre des vidéos du groupe en plein enregistrement de la chanson, et des plans de plages et de couchers de soleil de la côte sud-est anglaise... Un montage en boucle très bien réalisé, avec des images qui reviennent en rythme, et de nouvelles images qui apparaissent au fur et à mesure de la chanson. Un montage qui arrive à garder en haleine le spectateur alors que la vidéo est constituée de seulement quelques images différentes.

Les paroles de la chanson s’affichent en jaune au milieu de l’écran. Ce qui nous oblige à nous pencher sur le sens de cette chanson. Nous pouvons entendre dans le refrain “si tu ne trouves pas de travail, créer ton propre boulot” avec ce titre, KDI “voulait mettre en évidence certaines déviances absurdes et parfois insensées de ce modèle alors que la sphère politico-économique en a fait un totem”. Un sujet de chanson pas comme les autres, sur une mélodie entraînante, entre disco-pop et électro comme ils savent si bien faire.
Un pari encore réussi pour les Keep Dancing Inc dont nous attendons l’album qui sortira le 6 juin prochain avec impatience.
Alex Melville, “Gare d’Austerlitz”
Alex Melville, c’est un jeune chanteur, dont le premier single “Gare d’Austerlitz” est sorti le 10 avril. Un titre qui parle de Paris, de son romantisme, et plus particulièrement de son métro, la ligne 10.
On rassure les non-parisiens, c’est un morceau qui peut toucher absolument tout le monde, de par ce piano-voix, ces douces mélodies mais surtout ces paroles dans lesquelles on se reconnaît étrangement.
Alex Melville a écrit ce morceau dans le métro, après avoir récupéré ses dernières affaires dans l’appartement de son ex-copine. Grâce à ce morceau nous errons sur la ligne 10 mais aussi dans l’intimé de son compositeur.
Pour ceux à qui le métro parisien manque pendant cette période de confinement, vous pouvez le retrouver dans le clip réalisé par Estelle Tateossian et Agathenight. On y voit deux âmes esseulées, voyageant de Gare d’Austerlitz à La Motte-Picquet en passant par Duroc ou encore Sèvres Babylone, et ne se croisant jamais.
Un clip qui met bien en image cette jolie chanson et que vous pouvez revoir en boucle en attendant la sortie de son premier EP le 8 mai !
Chahu, “Dehors” (Official Quarantine Video)
On retrouve Chahu avec son nouveau morceau “Dehors”, dont le titre nous rappelle quelque chose que l’on ne connaît plus très bien… Confiné chez lui avec son synthé, le chanteur de Dogs For Friends a eu le besoin de composer, et nous rappelle que le confinement a parfois du bon.
Son clip respecte lui aussi les règles du confinement à la lettre, filmé avec un portable, en format vertical, Chahu a réussi mettre en images son morceau avec l’aide seulement d’une boule disco à lumière, des toilettes et d’un effet “Rick” de Rick & Morty. Un code esthétique que l’on retrouvait déjà dans son dernier clip, “Mom Took Care”, sorti le 11 décembre dernier, où il utilisait sa boule disco lumineuse pour s’éclairer en écrivant les paroles de sa chanson dans un carnet.

Alors oui, filmer un paquet de PQ posé sur des toilettes et monter cette image sur les paroles “Espérer te croiser demain”, cela peut paraître presque ironique, mais ses mélodies mélancoliques en font des images poétiques. Il y montre aussi les détails de son appartement, un bout de chaise, le plafond, son micro, son lit sur lequel se trouve son clavier, et lui, masqué par le visage de Rick.
Une vidéo et une chanson avec lesquelles Chahu nous laisse entrer dans son intimité. Trois minutes de tête à tête, que l’on peut faire recommencer, encore et encore.
Pacific Shore, “Two Kingdoms”
Pacific Shore (composé de Romain Prêto et Stanley Bloom) accompagne la sortie de leur nouvel album Two Kingdoms (avec pas moins de 17 titres), d’un clip du même nom.
Un clip qui nous fait voyager et vient ainsi parfaitement illustrer leur “road music”. Le clip, qui a été réalisé par le groupe lui-même, parvient tout à fait à lier l'onirique et le cinématographique, le tout sur une musique mêlant hip-hop, soul, jazz et électronique.
Le groupe a pris un risque en réalisant ce clip peu commun. En effet, ils ont utilisé un procédé d’animation d’images découpées, collées et superposées les unes aux autres. Le résultat est totalement réussi et nous permet de voyager grâce à des photos tirées de la réalité mais transposées dans un univers qui laisse place à l’imagination.

Le clip nous plonge dans un royaume un peu spécial. On peut y voir une voiture qui roule, face à nous, une route qui s’étend, des tours qui se dressent. On se demande alors : où est-on ? Peut-être à Hollywood, Los Angeles, ville qui représenterait bien leurs influences : la scène beat music de L.A. d’un côté, à l’instar du groupe Chromatics, et la scène Nu Soul des années 2000 de l’autre, avec notamment Anderson Paak.
Le groupe nous fait ensuite quitter la ville en grimpant à une échelle, et nous emmènent ainsi dans les nuages. Les images s’enchaînent alors, montrant successivement un collage d’un visage, puis des vidéos comparant des personnes qui marchent et des fourmis. On se retrouve dans un univers totalement différent du début avec des escalators arrivant de tous les côtés, bondés de monde, nous donnant le tournis.
Nous voilà d’abord embarqués dans un tunnel qui défile à toute vitesse, changeant de couleur, puis propulsés dans l’univers et accueillis par une bouche de femme qui ne fait qu’une bouchée de notre planète Terre. S’ensuit une boucle d’éléments volant dans l’espace. Nous revenons ensuite revenir sur Terre pour traverser la ville en voiture, puis les montagnes, jusqu’à arriver à un volcan - images sur lesquelles se superposent des extraits vidéos en tous genres (numéro de cirque, patineuse artistique, etc). Le clip prend alors fin dans une éruption.
Il est parfois difficile de mettre des mots sur des images, surtout aussi belles que celles-ci, alors si vous voulez voyager loin de votre confinement pendant trois minutes, foncez regarder le clip de Pacific Shore.
Mont Joseph, “Dolce Baci”
Mont Joseph, Joseph Truflandier de son vrai nom, revient 3 mois après la sortie de son dernier morceau “L’Hiver arrive”, avec un nouveau titre accompagné de son clip “Dolce Baci”.
Le clip, tourné entre Saint-Michel-en-Grève et Plestin-les-Grèves, est basé sur une histoire simple et sombre, pour donner une place importante à l'esthétique. La narration suit un fil conducteur bien construit, qui s'installe peu à peu.
“Dolce Balci” est “l’histoire d’un endeuillé qui viendra teinter de sépia les étés au bord de la plage ou lors de sorties nocturnes”. Réalisé par Marianne Barthelemy, le clip commence par un zoom sur la mer à perte de vue, puis laisse place à un plan large dévoilant un homme en train de déterrer une tête sculptée. Le protagoniste part alors en courant à travers une forêt de pins immenses, nous donnant l’impression qu’il est seul au monde et ne possède que cette tête entre ses mains. L’image, travaillée par Olivier Ludot, nous donne le sentiment qu’un brouillard s'abat soudainement sur l’objectif de la caméra, ce qui ajoute un aspect mystique à la vidéo.
Notre personnage lave la sculpture, en prend soin et l'idolâtre. Toute cette attention va lui donner vie. En effet grâce à son amour et ses embrassades, le visage sculpté, réalisé par Anna Calliet, va prendre un aspect humain et vivre un moment intense avec notre personnage principal. C’est l’apogée du clip, on peut le voir grâce aux plans de caméra qui contrastent avec les plans du début. Nous passons de plans plutôt fixes à des plans en mouvement, notamment un plan 360° qui tourne autour de nos deux personnages, alternant cela à de gros plans dévoilant leur étreinte et nous faisant rentrer totalement dans leur intimité. Ils se retrouvent alors dans une église plongée dans la pénombre, où l’on ne peut distinguer que leurs silhouettes, grâce à une magnifique lumière qui transperce les vitraux.
Le clip prend fin dans un cimetière, le corps de notre ancienne sculpture sans vie, joué par Joseph Truflandier lui-même, dans les bras de son amant. Le clip finit comme il a commencé, par un dé-zoom arrière, la mer en fond, l’horizon à perte de vue : une scène qui colle aux paroles entendues précédemment “Réfugiés dans le jardin / Bel endroit chaud de soleil / S’étirer jusqu’aux ombres / Deux hommes bravant la tombe.”
Un morceau qui prend des airs de l’écriture de William Sheller, Henri Miller ou encore William Cliff avec des arrangements inspirés d’Air et d’Owen Pallet.
Un clip qui représente bien l’univers musical d’un artiste qui s’applique à dévoiler “le cri de son propre coeur”. Mont Joseph aime raconter des histoires d’amour, raconter le sensible, l’intime, la douleur et la nostalgie, “Dolce Balci” en est le parfait exemple.
À noter que le premier EP de Mont Joseph, intitulé Paradis, sortira le 29 mai prochain.
Par Laura Gervois et Tamina Manganas.