Parce que les clips sont parfois de véritables bijoux, dignes de chefs-d'œuvre cinématographiques ; qu’ils sont le reflet visuel de l’univers musical de l’artiste. Parce que l'œil de l'équipe réalisation d’un clip a également son importance ; parce que leur vision artistique et leurs rôles ne sont pas à négliger. Parce que mettre la musique en images donne parfois une seconde lecture à un morceau, on a souhaité analyser tout ça, pour vous : voici la rubrique Plan Clip.
Gwizdek - "Trop Tard"
« Trop Tard » ou « les divagations nocturnes d’un personnage en recherche d’identité » (d’après Julien Peultier, le réalisateur). Pour son premier clip, Gwizdek nous emmène dans une insomnie fructueuse dont ses cernes se souviendront. Une échappée solitaire en plein confinement, sans foule, sans repères.
« Je t'écris quelques lignes pour dire que je me suis encore perdu » : le texte est narré par la voix grave et mélancolique du chanteur Daniel Gwizdek qui donne son nom à ce trio de pop alternative tout juste formé l’an dernier. C’est aussi le noctambule paumé qu’on peut voir dans le clip. L’écriture, à la fois instinctive et filtrée, se traduit à l’image par une alternance entre des plans bruts et des ralentis léchés.
Si la parenté de Balthazar et de Feu ! Chatterton semble évidente, le groupe s’inspire également de Debussy, Syd Barrett et des Étoiles vagabondes de Nekfeu. Côté cinéma, on se situe plutôt entre Blade Runner 2049 et Paterson de Jim Jarmusch. Le ton est donné : Gwizdek parle des rencontres humaines, du besoin de voyage, de la technologie omniprésente et de l’angoisse du temps. Tout un programme.
« Besoin de disparaître » : le clip commence avec un Daniel qui s’efface temporairement dans la fumée de sa propre cigarette. On suit ensuite sa déambulation tardive dans un Lyon vide et lumineux, veilleuse rassurante dans un contexte sanitaire angoissant. Il est perdu au point de confondre les étoiles avec la lune. Il est seul au point d’être à la recherche de lui-même.
« Les lumières de la ville s’éloignent » : le chanteur finit par s’échapper de son introspection grâce à une mystérieuse voiture qui vient le récupérer. Il roulera jusqu’au petit matin avant d’admirer la ville depuis ses hauteurs.
Avec « Trop Tard », Gwizdek est en quête de vérité. Une vérité qui se trouve loin des lumières de la ville, loin des bruits du quotidien. À méditer.
Jean Fofana
PHELTO - "Nuit Noire"
Pour la future sortie de son EP, PHELTO nous offrait ce vendredi le clip de son premier véritable single, "Nuit Noire". Avec celui-ci, l’artiste réinterprète un moment de sa vie : une balade en voiture de laquelle émane une certaine tristesse, qui vient contraster avec la musique, elle gaie. Avec ce clip, elle a voulu reproduire cette ambiance particulière que la pop peut faire naître : la possibilité d’allier tristesse et joie.
"Nuit Noire" a évolué au gré des rencontres de PHELTO. Initialement une ballade, il se transformera en morceau aux accents dance. Ce qui a permis ce changement ? Sa collaboration avec Herman Shank qui lui a soufflé l’idée de modifier la drum. Après plusieurs tests, ils arrivèrent au morceau tel que nous le découvrons, porté par la voix grave de l’artiste.
Co-réalisé par PHELTO elle-même & Guillaume Peigné, le clip s’est construit de la même façon, entre échanges et essais. Plongée dans un univers SF, la vidéo alterne entre balade nocturne aux côtés de l’artiste et glitchs visuels analogiques sur les refrains. Après avoir suivi celle-ci en voiture, on l’accompagne dans la découverte d’un monde parallèle rendu accessible grâce à une disquette. Rapidement, on s’évade avec elle pour fuir la réalité : « Nuit Noire, les pleins phares loin de tout ». Finalement, PHELTO parvient à créer une ambiance toute particulière qui nous donne, à nous aussi, envie de fuir en voiture vers une réalité alternative.
Agathe Pinet
Pauline Chagne - "Mélancolie Lolita"
« Mélancolie Lolita » ou le doux chagrin de Pauline Chagne. Après l’hymne féministe « Orange Sanguine », l’autrice, comédienne et harpiste nous chante les joies de l’abandon. Comme une ode à l’indépendance émotionnelle.
« C’est si bon d’être triste » : émue aux larmes devant un film dont elle est l’héroïne, Pauline Chagne se replonge tristement dans des souvenirs heureux. Dans une salle de cinéma vide, elle est consolée par un énorme doudou rose, sa mélancolie, ami imaginaire qui a bien grandi. Et par la magie du montage de Valentin Becouze, nous voici maintenant de l’autre côté de l’écran, en plein road trip vers une destination inconnue.
« Douceur du goût des larmes » : aux couplets, Pauline Chagne utilise une voix grave et pleine de charme, comme celle de Clara Luciani. Elle nous raconte son désarroi avec une assurance sombre, à la manière d’une Françoise Hardy. Le piano plein de nostalgie nous renvoie aux balades pop les plus bouleversantes du siècle dernier. Et la basse, quant à elle, accompagne gravement la complainte amère de la chanteuse. De quoi avoir peur de tromper son bonheur.
« Je danse avec moi, le blues me prend dans ses bras » : au refrain, surprise, la gravité laisse place à la légèreté. Pauline Chagne monte dans les aigus et dévoile toute sa fragilité, preuve de sa mise à nu avec ce texte intime. Et comme par enchantement, le clip prend une toute autre tournure. La chanteuse se livre à une danse allègre avec le grand monstre rose, comme dans un rêve. De quoi nous faire acheter un T-shirt « I love mélancolie ».
« Je suis mal mais c’est beau » : plage, coucher de soleil, saxophone et harpe, tel est le décor idyllique dans lequel s’achève ce clip. Mais ce qui est beau, c’est la vulnérabilité de Pauline Chagne. C’est tout ce poids dont elle a su se défaire entre deux vers. C’est la facilité déconcertante avec laquelle elle nous fait oublier la déprime. C’est l’euphorie débordante qui nous envahit quand ça va mieux.
Quoi de mieux qu’un clip décalé et réconfortant pour panser nos maux de cœur ? Pauline Chagne nous guérit de nos malheurs en nous transportant vers des horizons radieux. Passer de la tristesse à la rêverie, c’est justement ça la mélancolie.
Jean Fofana
Milena Leblanc - "Milena"
Milena Leblanc est une artiste complète aux multiples casquettes : chanteuse, réalisatrice et comédienne. Le 7 juillet dernier, elle dévoilait le clip de son premier single, Milena. Avec celui-ci, elle met en scène sa mort afin de pouvoir renaître. Avant le début de sa carrière en tant que chanteuse solo, l’artiste a notamment travaillé avec Lewis OfMan. Ensemble, ils écrivent des chansons comme "Un Amour au Super U" et "Plein de bisous", et partent en tournée en France et en Angleterre. Elle en fera de même avec Rejjie Snow qu’elle rencontre en 2018.
Avec "Milena", l’artiste dévoile tous ses talents, elle nous touche aussi bien par sa voix fluette que par la réalisation de ce clip. Elle le nomme « La Noce de Milena » et met en scène la fuite de son propre mariage. Le clip s’ouvre sur la jeune femme courant hors de l’Hôtel de Ville, suivi de près par son ex-futur mari, joué par Chad Zamzem. Après que ce dernier est abandonné la course, l’artiste compose sa propre cérémonie, comme pour signifier qu’elle se choisit elle, avant quiconque. On la voit tour à tour dans la rue, dans une église ou encore à la plage, tournoyant et déambulant dans sa robe de mariée.
A la fin du clip, l’artiste apparaît dans cette même robe agrémentée de grandes ailes blanches. Elle les porte sur une plage, symbole de liberté, tout en chantant les paroles « Je m’envole ». Tout semble illustrer la volonté de l’artiste de choisir son propre chemin. Quel bonheur pour nous qu’elle ait choisit celui de la musique, comme un antidote pour pallier son hyperactivité et son besoin de créer. Rendez-vous en septembre pour la sortie de son deuxième single.
Agathe Pinet