Parce que les clips sont parfois de véritables bijoux, dignes de chefs-d'œuvre cinématographiques ; qu’ils sont le reflet visuel de l’univers musical de l’artiste. Parce que l'œil de l'équipe réalisation d’un clip a également son importance ; parce que leur vision artistique et leurs rôles ne sont pas à négliger. Parce que mettre la musique en images donne parfois une seconde lecture à un morceau, on a souhaité analyser tout ça, pour vous : voici la rubrique Plan Clip.
Luha - Call You back
Un appart parisien, des copains, un chat au centre de toutes les attentions, des rebords de fenêtre ensoleillés… L’artiste Luha, dans cette jolie rétrospective de son confinement, nous livre son premier titre (et donc premier clip) “Call You Back”.
Réalisé avec l’aide de sa collègue de quarantaine Vic Vycilinski, le clip accueille une joyeuse bande de confinés sur des bandes vidéos faussement abîmées. Aux premières notes de synthé, Luha nous mène déjà par le bout du nez, nous entraînant dans sa bulle de fraîcheur sentant bon la musique rétro et les guitares vintage. On assiste à des instants volés, des petits bouts de vie capturés pendant le confinement, bercés par la voix suave de la jeune Luha, qui n’a pourtant rien d’une jeune première.
Jeune chanteuse à suivre donc, puisqu’elle vient seulement de poser son premier pied dans l’univers musical en rejoignant les équipes du label Un Plan Simple (Clio, Keep Dancing Inc, Global Networks...). Comment peut-on être nostalgique du confinement, nous direz-vous ? Le clip de "Call You Back" peut sans doute vous apporter un semblant d'explication !
Apolline Pournin.
Bonnie Banane, “La Lune et le Soleil” feat. Varnish la Piscine
C’est peut-être car Bonnie Banane lâche ses titres au compte-gouttes que ce nouveau clip nous fait l’effet d’une bombe. Encore une fois accompagnée du rappeur suisse Varnish La Piscine, avec lequel elle s’était déjà illustrée dans “Le Regard qui Tue” (2019), un film noir musical unique, voici que la chanteuse et musicienne signe son retour (en enfance) avec “La Lune et le Soleil”.
Gros plan sur Bonnie Banane, le visage incliné vers le haut, les cheveux relevés en arrière, un sourire malicieux aux lèvres. Plusieurs plans s’enchaînent, nous projetant en pleine nature, dans un univers merveilleux et enfantin. L’artiste est tout de rose vêtue, un Teddy Bear sur les genoux. Un style qui se fond à merveille dans le décor, grâce aux efforts respectifs de Theana Giraudet (maquillage), Victoria Sapet (coiffure), Jill Gattegno (stylisme) et Nils Dupré (Chef Déco). Les couleurs semblent un peu vieillies, et jettent comme un voile sur l’écran. Un générique de cartoon apparaît : aucun doute possible, nous sommes bien dans un dessin animé.
Réalisé par le génial Clifto Cream, “La Lune et le Soleil” se trouve être un sublime mélange complètement assumé entre les Teletubbies et le clip de “Gimme Some More” de Busta Rhymes. Varnish la Piscine et Bonnie Banane y apparaissent en Soleil et en Lune, et viennent ainsi nous faire perdre la tête (Frederic Serpantie aux effets spéciaux).
Si le clip est aussi réussi, c’est parce qu’il incarne une démarche sincère et naïve de réconcilier, de rassembler. “La Lune et le Soleil" fait l’effet d’un “cercle vertueux de pensées” puisque “à l'image de La Lune et Le Soleil, nous coexistons”.
Laura Gervois.
Château Forte, “Tombe encore”
Après le single “À moitié chiens”, Château Forte revient nous bercer de plus belle, tout en douceur et en nostalgie, avec “Tombe encore”. Le duo composé de Lola-Ly et de Clément révèle ici un clip, dans lequel paroles moroses, images faussement ternes et couleurs pastel s’accordent à la perfection pour créer un univers mélancolique unique.
Réalisé d’après des images de Clémentine Chapron et Odille Pellissier, ainsi que des extraits de « Above the horizon », une vidéo au format 16 mm de l’American Meteorological Society, soit le résultat de recherches météorologiques datant de 1967, le clip de “Tombe encore” alterne entre plans sur une ville endormie, une danseuse qui s’entraîne sur un toît, et des nuages à perte de vue. Kahina Le Querrec et Nicolas Jehl (à la réalisation) se sont ainsi appliqués pour que les mots de “Tombe encore” prennent tout leur sens, en images.
Il y a ainsi quelque chose de très poétique qui plane dans l’air de “Tombe encore”. Telle une vague de mélancolie, c’est un brouillard qui s’abat sur l’écran, et ce tout au long du clip. Les images - et leurs effets spéciaux - s’enchaînent, tourbillonnent devant nos yeux et nous donnent le vertige. En deux minutes trente, le clip de “Tombe encore” parvient à nous tenir en apesanteur. Deux minutes trente, et nous voilà perdus, hors du temps.
Laura Gervois.
NUIT OCEAN, « WOUNDS »
En attendant la sortie de son prochain EP FIRE DIVINE le 23 octobre, NUIT OCEAN nous offre le clip de son nouveau morceau, «WOUNDS». Riche de paradoxes, l’univers de Steve Mesmin - l’homme derrière NUIT OCEAN – est à la fois sombre et radieux. Il nous embarque dans une pop synthétique aux allures de rêves.
L’œuvre de NUIT OCEAN se construit autour du besoin d’aller à l’essentiel, à la fois personnellement et artistiquement. Cette recherche le mène à créer des titres infiniment intimes aux sonorités éclatantes. Profondément influencé par ses voyages, notamment la découverte du Zaïre, pays d’origine de son père, et l’Inde dont il reviendra transformé par «la dureté et la beauté». La découverte de cette nation à l’atmosphère si particulière sera à l’origine du projet NUIT OCEAN. En effet, c’est à ce moment-là qu’il comprend que l’énergie brûlante qu’il ressent en lui est un vecteur de création et d’expression. NUIT OCEAN, c’est la transformation de la sensibilité en beauté.
FIRE DIVINE s’inscrit dans une quête introspective, fil rouge qui fait le lien avec les précédents EP de Steve Mesmin. Les sept titres qui composent cet EP sont le reflet de ce « feu divin » attisé par une fragilité de plus en plus prenante. NUIT OCEAN s’inscrit dans une démarche multi-artistique en investissant différents médias telles que la musique, la vidéo et la photo afin de produire une œuvre globale. Armé de sa sensibilité, il capte l’émotion qui se dégage de films et de séries et la traduit dans son propre langage. De cette façon, ses titres sont emplein d’une intensité qui nous invite à lâcher prise et à ressentir avant de réfléchir.
C’est dans cet état d’esprit que le titre « WOUNDS » doit être savouré, radical et intense, il nous emporte dans une mélancolie enveloppante. Les voix aigues d’une rare pureté, associées à une instru simple et efficace font de ce morceau un élégant bijou. Le clip, réalisé dans une démarche artistique plus globale où tout « fait » art, tente de s’imposer comme œuvre à part entière. Inspiré par les grands noms de l’Art Vidéo, à l’instar de Nan June Paik, ce clip à l’envergure pour être appréhendé comme une installation artistique. Il dépeint un « paysage vidéo » composé d’images VHS filmé avec un smartphone, cette approche à la fois granuleuse et analogique crée une dualité en phase avec le morceau. Ce travail sur la matière et la forme questionne notre humanité, aujourd’hui passée au crible par le prisme de l’écran.
Pour le bonheur de nos yeux : des couleurs vives, des textures remarquables, un rythme enivrant ; le tout associé aux voix divines qu’on voudrait avoir perpétuellement dans les oreilles, « WOUNDS » est un titre à vivre.
Agathe Pinet
J-SILK, "Bring Me Joy"
A la fois à la croisée des chemins entre Bordeaux et Paris, entre hip-hop, électro et pop, entre anglais et français, nous retrouvons J-SILK. Le trio de future soul, qui n’a cessé d’écumer les scènes, des Francofolies au Climax en passant par les premières parties de Laura Misch, Lee Fields, ou encore Moonchild, dévoilera bientôt un troisième opus intitulé Dreaming Awake. Premier aperçu groovy avec “Bring Me Joy”.
Réalisé par Temple Caché, qui s’est également attelé à la direction artistique du clip, “Bring Me Joy” apparaît comme être l’illustration parfaite d’un univers vintage haut en couleurs. Le clip, qui ouvre sur un magnifique plan de haut (Gandouet Brice - Natiko Production, au drone), enchaîne animations et collages (Louis de Rolland). Un papillon qui nous plonge et nous guide dans un monde magiquement joyeux, où la voix chaude de Joanna Rives, posée sur des synthés analogiques et des beats hip-hop, ne font plus qu’un.
Nous voici donc partis, avec “Bring Me Joy”, à montgolfière ou à la nage, à la découverte de contrées lointaines. Le clip nous emporte si loin, qu’on en oublierait tout nos soucis du quotidien.
Laura Gervois
Oscar Emch, "Antalgique"
Après nous avoir fait bouger sur le clip de "Fais les danser", Oscar Emch endosse désormais le rôle d'un chimiste dans son laboratoire, venant nous apaiser à grand coup d'"Antalgique". Le clip commence, et nous découvrons décors épurés (Axel Dagnas), lumières néon rouges et bleus, puis jaunes (Paul Cloux & Maxime Rigole), et toujours ce fameux écran de télévision - rappelez-vous l'incroyable effet réalisé par Maxime Baïle pour le clip de "Fais les Danser". À ces procédés techniques superbement exécutés, s'ajoutent les mouvements d'un steadicam (Calvin Tournié) qui se déplace en douceur, et des plans en légère contre-plongée sur le visage d'Emch. Réalisé par Valentin Bruhière et produit par Annouk Laviolette pour BIJOUTE, le clip met en images une pop délicieusement groovy et planante qui nous hypnotise du début à la fin. Car notre ancien Bolide Boy désire procurer “un anti-douleur pour les peines de coeur”, "Antalgique" agit alors comme un remède contre les maux du présent.
Laura Gervois