Un sphinx hybride, un nombre étrange et un curieux mélange de cultures : voilà ce qu’est Numa [7534]. Formé il y a seulement un an par des camarades de classe de l’ATLA, le groupe a sorti le 21 septembre son premier album. Furieux hymne anticapitaliste, Mothership Down est un OVNI qui vient bousculer les codes du rock.

Est-il toujours pertinent de nos jours de parler de genre musical ? Si certains puristes s’obstinent encore à ranger minutieusement leur bibliothèque iTunes, beaucoup diront que non. Après 70 ans d’existence, que Brian Johnson et Malcolm Young reposent en paix, le rock n’est pas encore mort. Quoiqu’en disent quelques mauvaises langues. En revanche, force est de constater qu’il a raconté une bonne partie de ce qu’il avait à dire. Pour continuer à exister face aux mastodontes du moment, il doit faire ce que la pop, le hip-hop et l’electro ont compris depuis bien longtemps : mélanger les genres.
Dans ce contexte, NUMA [7534] semble être le fruit d’un plan machiavélique orchestré par une major consistant à prendre tout ce qui a fait le succès des plus grandes formations de rock des années 70 à nos jours pour le condenser en un seul groupe et, de facto, vendre un maximum d’albums et autres T-shirts à logo. Il n’en est rien. Leur premier album, Mothership Down, est auto-produit. Logique, quand on sait qu’il se veut comme « un point d'interrogation sur les dommages collatéraux de la société post-capitaliste et l'impact technologique des nouvelles générations ». Promis, Riccardo, Mickael, Guillaume et Flavio ne viennent pas prendre la relève de Tryo.
En quête de réponse
Quand on lance le premier morceau de l’album, « You Gotta Let me Know », impossible de ne pas faire un parallèle avec l’ « Immigrant Song » de Led Zeppelin. Entre la construction de son riff d’entrée et les cris suraigus de Riccardo, qui par ailleurs revendique fièrement cette influence, on se dit que NUMA a délaissé le pompeux rock progressif pour rejoindre les rangs des groupes hommage du genre Greta Van Fleet. Encore perdu. L’intro passée, le titre emprunte des sonorités bien plus heavy, à coup d’harmoniques artificiels empruntées au hard rock plus récent, juste avant de se lancer sans prévenir dans un pont psyché digne des heures les plus floues de Woodstock.
Avec son doux son clean, sa basse libre comme le vent et son rythme bâtard, « Ibrido », deuxième piste de l’album, fait pencher le groupe du côté du math rock édulcoré façon Foals. Quand on connaît l’importance qu’il porte au nombre 7534 – une obscure histoire de suite arithmétique symbolisant un nouveau départ – cela ne paraît finalement pas si tiré par les cheveux que NUMA réinvente quelque peu le genre en y insufflant ses diverses influences. Mais non, toujours pas. Les guitares du refrain rappellent bien trop celles d’Animal as Leaders, référence première de Flavio, et son breakdown lent, lourd et dissonant tire son essence du sludge metal californien.
Quand « I Want You There » débute, on commence tranquillement à comprendre que les pulsions de classification vont être difficilement satisfaites. Bien sûr, les harmonies toutes pleines de vibrato couplées aux riffs bruts et rentre-dedans rappellent de beaux souvenirs de l’immense Ten de Pearl Jam. Mais c’est sans compter l’arrivée du riff de « I Went Too Far » qui semble s’être donné pour mission de reproduire à la quasi-perfection l’ambiance du Schism de Tool. Heureusement, à ce stade de l’album, NUMA a la bonne idée d’offrir systématiquement aux amateurs du genre des solos frénétiques de guitare. Ouf, on est bien dans un album de rock.
Et finalement, la musique
Si, jusqu’à présent, moults noms de groupes et de genres plus ou moins iconiques ont été lancés à la moindre occasion, c’est moins par autosatisfaction que par désespoir de tenter de décrire le son de NUMA [7534]. Les différents styles de rock, c’est certain, trouvent leur racine chez un parent commun. « Toute la musique que j’aime, elle vient de là, elle vient du blues » chantait avec sagesse le regretté Johnny. Il n’en est pas moins que, jusqu'à il y a peu, on pouvait encore apposer une étiquette sur un groupe sans trop avoir peur de se tromper.
Tout comme l’apogée de la sacro-sainte guitare, il semblerait que ce temps soit révolu. Sur leurs réseaux sociaux, les membres de NUMA [7534] se définissent eux-mêmes comme un groupe de « hybrid rock ». Voilà peut-être la réponse à notre question. Une réponse qui n’en pas vraiment une, mais qui invite à se concentrer sur l’essentiel : la musique. Difficile, avec ces simples mots et références, d’imaginer à quoi ressemble un album teinté de tant d’influences et cultures diverses. Et pourtant, tout fonctionne. Passé le chamboulement des premiers titres, on rentre dans le jeu, on s’attache à ne pas perdre le fil, on échoue à prendre de l’avance. On se surprend à être surpris.
Les afficionados se plairont à déceler chacune des centaines de références disséminées au détour d’un couplet. Les néophytes apprécieront sans doute la multiplicité des sonorités qui parcourent un refrain. Tous seront déçus de voir l’album se finir trop tôt avec la fin abrupte de « My Little One ». Jusqu’à s’empresser de le réécouter pour lui trouver une étiquette à rentrer dans leur bibliothèque iTunes.
Par Simon Aunai
Découvrez Mothership Down, premier album de NUMA [7534] sur Spotify :