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Moji x Sboy : "Merci aux blessures d'amour, on en est là grâce à elles"

Après avoir affolé les algorithmes et les compteurs de vues avec une poignée de titres mélancoliques et mielleux, Moji x Sboy se jettent dans le grand bain. Armés de leur premier projet Temps d'aime, ils bâtissent un univers métisse où les standards du rap actuel se confrontent à des influences rock plus osées. Entre histoires adolescentes et exigences esthétiques, les deux Belges mettent un pied dans l'âge adulte. Rencontre.


© DR

Comment est né votre duo ?


Sboy : On est amis d'enfance, nos parents sont potes. On a toujours fait des trucs à deux, des conneries comme des projets à côté de la musique. On a fait "Ma Go" en 2017, quand j'ai commencé à gratter des premiers textes. C'est là que le duo est né. On s'est acheté un peu de matos avec l'argent qu'on avait et on a commencé à faire les premières maquettes dans ma chambre. On a pris l'habitude de se débrouiller un peu tout seul. Et c'est encore le cas aujourd'hui.

Moji : Sur le projet, il y a encore des morceaux que l'on a enregistrés nous-mêmes.

Sboy : Quand on était seuls, on n'avait pas le choix. On devait être perfectionnistes. On devait tout superviser, de la musique jusqu'aux clips. Cela nous a amenés à être précis dans nos demandes. On essaye de faire le minimum de compromis pour essayer de préserver notre vision.


Sortie en décembre 2019, la chanson "Ma go" a rapidement explosé. Comment passer de ce titre très écouté et apprécié, à un statut d'artiste complet, reconnu et respecté ?

Sboy : C'est tout le combat. On s'est toujours dit que beaucoup de gens nous écoutaient mais qu'une fois dans la rue, personne ne nous connaissait. Et c'est encore le cas aujourd'hui, même si c'est à moindre échelle. Par exemple, si on croise Hamza, c'est impossible qu'il sache qui on est, même si notre chanson était hyper forte. Avant, c'était aussi notre combat d'être homemade à fond. Sur "Ma Go", j'ai même moi-même mixé ma partie. On était jeunes. Aujourd'hui, on n'a plus 19 ans. On veut faire des choses qualitatives.


Moji : Faire parler notre musique, avant de faire parler notre duo et notre image.

Et justement, comment fonctionne votre duo ?

Sboy : Cela passe par des compromis. Parfois il y en a un qui pensait qu'une certaine décision était une mauvaise idée au départ, et il finalement il se rend compte que c'était la meilleure chose à faire. De ne pas poster un truc, ou d'en garder un autre pour plus tard... Si on n'est pas d'accord, c'est tant mieux : ça enrichit la discussion et on a un plus grand angle sur le sujet.


Sur Temps d'Aime, on entend beaucoup des sonorités rock sur plusieurs morceaux...


Moji : Mon grand frère écoutait pas mal de rock et me filait ses mp3 : Linkin Park, Nirvana, Artic Monkeys, Block Party... Ce sont des sons que j'ai bien saignés étant jeune, même si je n'en parlais pas forcément. Les codes du rock, je les connaissais plus ou moins : la manière de poser, l'interprétation... Les chanteurs de rock ont une image forte et des voix souvent atypiques derrière le micro.

Sboy : Pour l'album, on ne voulait pas qu'il y ait de doublon. C'est pour ça qu'il y a des sons rock, d'autres plus trap, d'autres love. D'où le souhait de faire un projet riche et diversifié.

Il y a deux morceaux qui sont sortis à la rentrée 2020 et qui ne sont pas sur l'album : "Roméo doit mourir" et "Pas comme elles"...


Sboy : On ne voulait pas qu'il y ait trop d'anciens sons. Ce n'est pas bien à vivre auditivement. On ne voulait pas non plus rajouter trop de consonnance rock dans le projet. S'il y avait un vieux morceau à mettre sur le projet, c'était bien sûr "Ma go", parce que c'est le soldat, le capitaine qui mène les troupes vers l'avenir ! (rires). Même "Roméo" devait être y être, mais il a sauté.


J'ai l'impression que "Roméo doit mourir" est le moment où vous avez vraiment assumé votre direction artistique, et c'est pourtant un morceau qui a assez peu fonctionné...


Sboy : Il y a une appréhension avec ce morceau, il n'est pas sorti dans les bonnes conditions. Les gens n'ont pas nécessairement compris. C'était d'ailleurs surtout en interne qu'il y avait beaucoup d'avis divergents Nous, on a fait ce qu'on voulait mais on s'est un peu mis des gens à dos. C'est pour ça qu'on se rend compte que la manière dont sort un morceau est hyper importante. On n'est pas du tout dégoutés du son, mais on ne le réécoute plus.

C'est peut-être un morceau qui a plu à un autre public, un peu plus âgé et aguerri musicalement...


Sboy : C'est un son qu'on a adoré faire. Quand il était dans nos oreilles, on se disait : "C'est notre meilleur son".

Moji : Quand on dormait dans la même chambre, il me faisait chier parce qu'il arrêtait pas de chanter le refrain. Et le lendemain il a enregistré, j'ai écrit ma partie et j'ai été transporté par la vibe du son. C'est pas que ça a été mal reçu, mais je pense que ça n'a pas été compris.

Sboy : Nemir nous avait envoyé un message en disant : "Trop chaud votre nouveau son". Il y a beaucoup plus de personnes plus âgées et s'intéressant plus à la musique qui ont apprécié le morceau. Mais c'est comme ça...

Vous êtes passés à autre chose, notamment avec le "CHIMIQUE", en feat avec Luv Resval…

Moji : Luv, on le suit depuis ses débuts, en 2017. Sur "CHIMIQUE" au départ, ce n'était pas forcément prévu que ce soit lui, mais ça s'est finalement super bien passé et on s'est très bien entendus. Comme quoi, il suffisait d'attendre un peu, avant de se rencontrer et de collaborer.


Qu'est-ce qui nourrit votre vision artistique ?


Moji : Le goût de l'esthétisme, des bonnes choses, des belles choses. Les Américains ont beaucoup ça, je pense que c'est dans leur culture. Que ce soit une photo ou un clip, quand tu vois des mecs comme Sofaygo ou Trippie Redd par exemple, il y a quelque chose. Trippie, quand tu vois son post Insta où il a des pizzas autour de lui, ça tue. Mais si on fait le même chose, ça va être compliqué... (Rires). Si tu le fais pas dans le même mood, tu seras juste un mec bizarre. Au States, ils ont cette culture du personnage, que tout le monde n'a pas forcément en France.

Est-ce que ça vous arrive de pas être sûr de l'image que vous renvoyez, de juste être un mec bizarre ?

Sboy : Parfois, quand je passe en ville et que je vois des personnes âgées qui me regardent de manière bizarre. Mais ça s'estompe très vite parce que dans le fond, on fait ce que l'on veut. C'est le signe qu'on est jeunes et qu'on s'estime un peu différents.

Est-ce que vous vous sentez parfois incompris ?

Moji : Je pense qu'on est quand-même compris par une majorité. Si des gens se disent qu'on est bizarres, je m'en fous complètement. Si demain je trouve un pantalon vert et que je le trouve beau, je le mets et j'en ai rien à foutre. Ce n'est plus une barrière. Avant, j'avais plus la peur de choquer mais en grandissant, tu t'affirmes et tu apprends à te connaître.



Vos sons parlent souvent de drogue et de meufs, souvent dans des histoires dans lesquelles vous ne jouez qu'un rôle de narrateur.

Sboy : Les histoires à la troisième personne, c'est pour raconter ce que l'on voit et ce que l'on entend. Des histoires de filles à priori très jolies et heureuses, mais dont on ne connait pas la vie une fois rentrées à la maison. C'est avec ce genre de sons qu'on souhaite imager des situations et des vies qui ne sont pas comme tu peux le croire et qui font réfléchir.

Moji : Qui te font plus penser aux autres, plutôt que d'écouter un artiste qui te raconte exclusivement sa vie. On n'est pas vraiment comme ça et ne dit pas encore grand chose sur nous. On va travailler sur ça d'ailleurs... Mais il faut vivre des choses avant de pouvoir parler de nous, de manière concrète et un minimum recherchée et dessinée.

Et d'où viennent ces histoires ?

Moji : Cela peut partir de notre tête, mais également de plein d'autres choses : des reportages, des témoignages, une punchline entendue sur un post de Brut, des rencontres... On part des gens, des apparences parfois trompreuses.

Vos histoires sont encore très liées à l'adolescence. Est-ce que vous estimez devenir des adultes ?

Sboy : Avec la musique, j'ai cette impression. Avant on parlait de peines de coeur, de choses qu'on vivait vraiment au premier plan. Maintenant on est stables, tout va bien. On fait des chansons sur nos meufs maintenant. Et petit à petit, on quitte l'adolescence. Mais merci à jamais à ces blessures d'amour, c'est grâce à ça qu'on en est là.

Moji : Après, on a énormément de choses à vivres. Des choses estivales, qui aspirent à du bonheur.


Propos recueillis par Elie Klarsänger


Temps d'aime de Moji x Sboy est disponible sur toutes les plateformes de streaming.


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