J-1 avant Fêlée #2, la soirée rock de Tourtoisie. Pour enflammer la scène de l’Espace B, il semblait évident de faire appel au duo sombre et révolté de Modern Men. Composé de Quentin et d’Adrian (leader de MNNQNS), le groupe secoue la scène punk, de Paris à Rouen. Entre expérimentations, fétichisme et révolution, on a discuté autour d’une bière avec Quentin au Point Ephémère.

Comment décrirais-tu Modern Men à quelqu’un qui ne connaît pas le groupe ?
Pour moi, c’est avant tout une libération, après des années passées à être enfermé dans des projets très codés. J’ai tout laissé tomber pour ce projet, où je peux choisir presque tout. C’est aussi un projet à deux, avec Adrian. Il a son mot à dire sur beaucoup de choses. Quand il trouve que ce que je fais, c’est de la merde, il me le dit !
En 2019, vous sortez deux EPs et un single : c’est beaucoup ! Est-ce que votre processus de création est toujours aussi frénétique ?
Oui, on a beaucoup écrit en 2018, sans même savoir si un groupe allait se construire. C’était nécessaire : on a produit de la matière, sans trop savoir où on allait. Toutes nos sorties diffèrent entre elles. On est passé par du black metal, du gospel, du hip hop… Le premier EP reflète mon énorme fétichisme pour Depeche Mode !
Comment travaillez-vous ensemble ?
On n’habite pas dans la même ville. Adrian emmène son ordinateur avec lui quand il est en tournée avec MNNQNS, il m’envoie des structures, je fais la même chose. Quand on peut, on essaie de se voir pour trier les morceaux les plus aboutis. C’est un groupe de chambre, on travaille dans nos salons. Ce n’est pas traditionnel pour un groupe de rock !
On retrouve cette impression d’urgence dans votre musique. Comme si le monde s’apprêtait à s’écrouler. Les hommes modernes en deviendraient presque des prédicateurs, des prophètes venus annoncer la fin du monde. Il y a de ça dans votre musique ? L’urgence ?
Oui. Mais il y a plusieurs niveaux de lectures, qui sont tous vrais. Je n’ai jamais voulu donner une dimension sociale et politique à mes paroles, même si mon point de vue transparaît toujours. J’ai mon avis sur ce qu’il se passe, sans être un expert.
Dans les clips, on retrouve cette ambiance noire et angoissante : de “Tirez sur l’ambulance” jusqu’à “Rouen a de l’eau jusqu’aux épaules”. Mais “Tirez sur l’ambulance” est aussi un très long baiser. Est-ce qu’on ne se situerait pas au point d’équilibre entre l’amour et la violence ?
Les paroles sont très crues, un peu romancées, aussi. J’aime les images fortes, même quand elles peuvent être mal interprétées. Ça reste une baston, même si on s’embrasse. Adrian et moi, on est un vrai duo, à la limite du couple.
D’ailleurs, contre quoi les Modern Men sont-ils révoltés, aujourd’hui ? Vous venez tous les deux de Rouen, qui est loin d’être première au classement des villes les plus violentes de France. Où allez-vous puiser toute cette force noire ?
Je suis très influencé par la scène punk et skinhead des années 80, puis par l’explosion de la musique électronique en Angleterre dans les années 90. Toutes ces choses assez énervées… Comme je suis assez solitaire, je ne vais pas aller facilement militer dans la rue.
Vous êtes récemment passés par les Bars en Trans. Comment c’était ?
C’était super blindé ! On a joué en face d’un public qui n’était absolument pas le nôtre : on jouait avant Last Train. Et disons qu’on était peut-être trop extrême pour les gens qui étaient face à nous… Mais finalement, beaucoup de mecs sont venus nous voir pour nous féliciter. C’était étrange.
Comment Modern Men abordent-ils le live ? Il paraît que vous utilisez une grande plaque de tôle et un tuyau d’aération…
On n’a aucun complexe et on se libère de plus en plus. On a un ordinateur sur scène par exemple. On aime aussi ramener des percussions industrielles comme des bouts de tôle. C’est pour le son qu’on a choisi ça. Mais ça soutient aussi la musique visuellement ; ça n’est pas du théâtre, mais ça pourrait en être. La mise en scène est là, comme un enchaînement de clins d’oeil à nos influences.
Et à Fêlée, ce sera comment ?
Notre meilleur concert s’est déroulé à l’Espace B ! Tout est noir, il y a une atmosphère qui ruisselle du lieu. Et ça fait longtemps que l’on n’a pas joué ensemble. C’est comme si on était un couple à distance. Quand on se voit, c’est uniquement pour baiser. Alors à Fêlée, on n’aura pas le temps de faire grand chose, alors on va juste baiser.
Alors pour 2020, on vous souhaite de vous voir pour faire autre chose que baiser ?
Oh, je ne suis pas contre ! Plus sérieusement, on va commencer à réfléchir à un premier album. Ça va être le bordel. On a des envies dans tous les sens. Les bons comme les mauvais.
Retrouvez Modern Men sur la scène de Fêlée ce vendredi 31 janvier à l'Espace B (Paris). Plus d'informations sur la page Facebook de l'évènement.