Le 18 avril devait être une soirée mémorable au Pop Up du Label. Puis, celle-ci a été reportée au 29 mai. En raison du contexte international, la quatrième édition d’Inseine a été définitivement annulée. Nous devions y retrouver, entre autres, la cloud de Babysolo33, 37melo, Shaga ou encore Marty de Lutèce. Afin de faire vivre cette soirée sur le net, Tourtoisie met à l’honneur les artistes de sa programmation tout au long de la semaine, en commençant par une interview de Marty de Lutèce.
S'il a débuté au sein du groupe Lutèce, Marty s'est fait un prénom avec sa musique emplie de douceur et de mélancolie, naviguant entre rap et pop. Rencontre avec l'artiste lyonnais pour parler de son dernier EP Poster, de ces influences, mais aussi de ses projets à venir.

Nous devions t’accueillir lors de notre prochaine édition d’Inseine mais malheureusement, celle-ci a été annulée. Peux-tu te présenter pour tous ceux qui n'ont finalement pas pu te découvrir sur scène le 29 mai ?
Oui! Moi c’est Marty, mon nom de scène Marty de Lutèce, je suis à la fois rappeur et chanteur.
Dans la réédition de ton EP Poster, on trouve un titre qui s’appelle "J’perds du temps », un thème récurrent dans ta musique, et qui semble t’inquiéter. Comment as-tu perdu ton temps durant ce confinement et comment l’as-tu vécu ?
(Rires). Écoute, ça ne m’a pas particulièrement posé de problème car c’est déjà le quotidien de beaucoup de musiciens en dehors des concerts. C’est une vie d’ermite où tu passes beaucoup de temps au studio. Ça à eu l’effet inverse sur moi : j’ai pris du temps pour ne pas trop faire de musique, refaire des jeux que j’aimais, prendre tu temps pour moi, même si je me suis régalé a faire quelques morceaux qui sortiront cet été, et bien sûr travaillé sur la suite, notamment sur des clips.
Puisque l’on parle de temps, ton label Jeune à Jamais a une devise : « Ce qui fait la noblesse d’une chose, c’est son éternité. ». Est ce que tu pourrais détailler l’influence de ce label sur ta musique ou sur toi en tant qu’artiste ?
Je suis assez indépendant quant à la création et dans ma musique, mais j’aime leur vision et je leur soumets tout mon travail pour avoir un avis qui compte.
Parlons un peu de Poster. Pourquoi ce titre ?
C’était mon premier EP “professionnel”, avec passage en studio, shooting photos, interviews…. Ça me faisait caresser un rêve et en même temps me questionner sur ses fondations. Pourquoi avoir envie de “percer” ? Qu’est-ce que ça implique ? D’autant que cette notion est propre à chacun. Je rêvais d’être en poster dans les chambres d’ados, maintenant on va dire que je rêve de faire mon truc, ma sauce, de vivre cette vie, et si les autres suivent, tant mieux.
On retrouve exclusivement Schumi1 et King Doudou à la production de cet EP, le premier avait déjà participé à NOOB et le second s’est fait connaître en produisant PNL notamment. Comment es-tu parvenu à garder une cohérence tout du long de l’EP en travaillant avec ces producteurs ?
On ressent les pattes différentes des producteurs. Pourtant il y a effectivement une cohérence, due à trois choses : les voix ont toutes été enregistrées au même endroit, le mixage à été fait entièrement par schumi1, même pour les morceaux produits par king doudou, et je suis intervenu dans le processus créatif global. J’ai une idée assez précise en tête avant de commencer une session studio.
On a le sentiment que vous vous êtes laissés plus d’initiative dans les titres bonus de cette réédition…
Oui ! J’avais envie de terminer l’exploration avant de connaitre mes différentes palettes. Par exemple, pour “Faudrait pas qu’on me voie”, je voulais absolument faire une guitare - voix avant de faire la session. “J’perds du temps” est une session live que j’ai fait moi même, à 100 %. Et la boucle est bouclée avec Izen, qui a fait la production de Ghostbuster, il avait déjà produit pas mal de titres sur mon EP Violence Partout.

Tes textes sont remplis de paradoxes : tu te décris comme marginal, mais ambitieux et s’accrochant à ses rêves. Mais aussi froid et pourtant si fragile dans ta relation par exemple. Es-tu d’accord avec cette idée ?
Oui, je pense qu’on est tous faits de paradoxes. J’ai tendance à beaucoup changer d’avis et d’humeur. J’aime, je déteste... Un peu comme tout le monde j’imagine. En fait ça évolue beaucoup.. J’ai une écriture “sincère” : je parle de ce que je vis et de mes questions du moment. Avant je me demandais : “Qu’est-ce que je fous dans ce monde d’adultes ?” puis : “Est-ce que je suis capable de le surmonter ?”. Avec Poster, je confronte tout ça à mes rêves. Aujourd’hui, je suis conscient de mes forces et de mes faiblesses et j’avance avec…
Un autre sujet qui revient est celui de l’honnêteté. Tu dis avoir une fausse image, que tu joues des rôles. Sauf dans ta relation avec cette femme et dans ta musique. Cette idée a l’air très importante pour toi…
Je parle de jouer des rôles dans la société. Est-ce que, quand tu travailles au supermarché ou sur une plateforme téléphonique, tu es vraiment honnête avec toi même ? Quand tu dois répondre correctement à ton patron, mais que derrière tu le traites de sale con, est-ce que c’est honnête ? J’ai l’impression que les gens jouent tous des rôles, la société est faite d’obligations que l’on s’impose à nous-mêmes, et je m’efforce de ne plus être comme ça dans ma musique. Elle me fait sortir de cette condition, mais ce n’est pas forcément évident. Si par exemple demain je suis obligé de retourner travailler car ça marche pas… Retour au point de départ.
Tu as des influences nombreuses et on aurait du mal à toutes les citer. Comment intègres-tu ces influences éclectiques dans ta musique ?
Au feeling… J’ai des bases, et j’utilise ce qui me plaît selon mon humeur.
Et si tu devais te rapprocher d’un ou deux artistes dans le paysage actuel ce serait qui ?
Je suis incapable de le dire… En ce moment j’écoute beaucoup Childish Gambino et Nirvana.
Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour la suite ?
D’être là dans 10 ans.
Tu sors un prochain projet le 12 juin, tu peux nous en dire plus ? Qu'est qui le différencie de Poster ?
J’avais la volonté de sortir une mixtape d’été pour kiffer, et pour faire kiffer les gens, mais il s’avère que c’est devenu bien plus que ça. J’ai l’impression de m’être libéré de beaucoup de barrières, notamment celle du rap, qui m’enferme. J’ai l’impression d’être plus complet et d’avoir digéré mes influences, pour sortir quelque chose de plus personnel. Il y a toujours King doudou et schumi1 dessus, il y a aussi mon pote Kamanugue, que je trouve excellent et avec qui on a bossé un morceau un peu suave, je l’aime beaucoup. J’ai tenu aussi a mettre beaucoup plus ma patte, c’est peut être pour ça que je trouve le tout plus personnel. J’ai fait les compositions de trois morceaux qui ont été retravaillés par schumi1 pour devenir des co-productions, j’ai fait les guitares sur les morceaux avec King Doudou.. Je me suis beaucoup plus impliqué et ça fait du bien. Je n’étais pas prêt à le faire avant. Cette mixtape s’appelle Cruel Eté, et j’ai pris les sentiments liés à l’été, mais à ma façon, c’est à dire avec la nostalgie de la fin des vacances, des amours qui se terminent, le moment exact ou tu as la gorge nouée avant de claquer la porte de la voiture pour rentrer chez toi.
Propos recueillis par Yann Carles