Il y a environ un mois sortait leur projet Dead Flowers & Melodies avec son propre film d'animation 3D. Depuis, le duo a tenté sa chance au tremplin Make Some Noise Festival, et continue de faire parler de lui en sortant tous les clips de leur projet. Rencontre avec ceux qui sont un peu plus qu'un duo.

Comment décririez-vous votre musique à quelqu’un qui ne la connaît pas ?
Nils : Le premier mot qui me vient à l’esprit c’est « hybride ». Notre musique c’est un mélange d’un peu toutes nos influences. S’il faut les catégoriser, d’abord c’est l’emo rap - ou mélodique rap, puis l’électro avec des artistes comme Porter Robinson et même des trucs carrément plus techno, et aussi le côté rock, pop rock, punk rock, les groupes un peu plus teen genre Blink-182, et même des trucs plus hard comme Linkin Park. Donc pour résumer : l’emo rap, l’électro et le rock.
Marius : Carrément. Mais c’est à chaque fois difficile de mettre un seul style sur notre musique, moi j’y arrive jamais. C’est vraiment un mélange de styles, mais du coup c’est pas du rap, c’est pas de la pop, c’est pas du rock.
Nils : Il y a des gens qui mettent ça dans la catégorie « hyperpop », même si c’est un terme qui ne veut pas dire grand chose. Mais je pense que du coup c’est plus un « mood hyperpop », même si y’a pas de critère très technique pour le définir.
Vous avez beaucoup d’influences, et en même temps ça se voit que vous en avez fait une sélection très minutieuse qui fait qu’aujourd’hui vous avez un style de musique qui est très pur justement, très marqué.
Marius : Ça je pense que c’est lié au fait que je fais toutes les prod. Le plus souvent je fais ce qui me vient, et naturellement c’est toujours les mêmes couleurs, les mêmes rythmiques. Je pense que c’est ce qui donne la couleur globale aux Grands Enfants. Après, Nils ajoute son truc qui a aussi son caractère propre. Le mélange des deux donne quelque chose de très unique.
Vous avez la particularité de vous présenter comme un groupe musical beatmaker/chanteur-rappeur : pourquoi ce choix ?
Marius : Nous, on considère que le mec a la prod - et au mix aussi - a autant d’impact que le mec qui chante ou écrit. Du coup c’était naturel pour nous de dire que c’était un duo, et non pas de mettre en avant l’un plus que l’autre.
Vous êtes en coloc je crois ? Comment vous travaillez ?
Nils : De façon surprenante on travaille assez indépendamment l’un de l’autre. Marius va souvent faire des prod' dans sa chambre de son côté, parce qu’il aime bien être dans sa bulle solo, dans sa petite grotte. Puis il me les envoie, je les écoute, et pareil je vais me mettre dans mon coin, et faire des maquettes, écrire des chansons dessus. Une fois qu’on en a un certain nombre, on se pose et on se dit « Ça, on aimerait vraiment en faire un morceau. Ça moins ».
Et toi Nils, tu fais des cover ?
Nils : Oui, je fais des sons sur des prod' qui ne sont pas de Marius, mais jusqu’à présent on en a sorti aucun. À chaque fois on a préféré choisir des morceaux avec des prod' de Marius, mais à l’avenir on ne se ferme pas non plus cette porte-là. Si on considère qu’une prod' est vraiment cohérente avec notre univers, on est ouverts à ça.
Et ça serait toujours sous le nom « Les Grands Enfants », même si c’était pas avec Marius ?
Nils : Ben oui, puisqu’en fait Marius ferait toujours le mix, et en soi c'est hyper artistique, surtout qu'on on met beaucoup de nous dans le mix. Même s'il ne fait pas la prod, le mix lui donne quand même une grosse influence sur le morceau.
Marius : Et pour revenir au processus de création, il faut préciser qu'on n’est pas que tous les deux en coloc. On a aussi deux autres potes avec qui on a fait le film 3D. Un qui est très calé en 3D, développement web, codage : c’est @aicyp999, qui a fait le film et tous les univers virtuels avec un logiciel qui s’appelle Unreal Engine. Il était accompagné de notre autre pote graphiste, @ahoui.jpg, qui a fait la cover et a aussi collaboré sur le film. Donc depuis quelques mois on faisait le son ensemble dans la chambre, et pendant ce temps-là eux faisaient le film en haut.
Nils : Tout ça pour dire que Les Grands Enfants c’est nous deux, mais c’est limite plus une team de quatre où y’a aussi nos deux potes qui font aussi toute notre DA (ndlr : direction artistique) visuelle, et sans ça ce serait totalement différent.
Marius : Mais ça c’est que depuis ce projet-là, depuis une petite année.
Justement votre DA est très précise : jeux vidéo, univers 3D... et ça se voit notamment dans votre film. Qu’est ce que vous avez voulu raconter dedans ?
Nils : La thématique principale de notre projet musical, c’est le deuil sous un peu toutes ses formes. Pas forcément d’une personne décédée, mais aussi le deuil de l’enfance, d’une relation qui peut s’être terminée, d’une vision enfantine de la vie. On voulait mettre l’accent sur cette idée du passage entre l’adolescence et l’âge adulte. Il y a vraiment un aspect très nostalgique, et le film vient illustrer cette thématique par la métaphore du voyage. Au début, on voit les deux personnages qui sont dans une ville un peu dystopique, futuriste, et qui vont ensuite entamer un voyage d’abord vers un grand désert, puis dans un monde beaucoup plus joli, naturel, ensoleillé. On trouvait que ce chemin était une belle métaphore pour dire que le deuil de quoi que ce soit est en fait un passage obligé pour envisager l’avenir avec un regard un peu plus lumineux, pour tendre vers quelque chose de plus paisible.
Marius : Même musicalement, les trois premiers sons sont un peu plus froids, peut être un peu plus métalliques. Je pense à Emo City, Vixen. À partir de l'interlude « Les..Fleurs..Poussent..Plus » ça devient un peu plus lumineux et coloré, ce qui se sent aussi dans la musique. Et à la fin, il y a une chanson triste…
Nils : Mais la guitare acoustique lui donne quand même un côté plus chaleureux que Emo City ou Vixen.
C’est marrant que vous parliez de deuil, car j’ai l’impression qu’une des émotions les plus importantes dans ce que vous voulez renvoyer c’est la nostalgie. Or la nostalgie c’est l’inverse du deuil, c’est ne pas réussir à faire le deuil d'une émotion. Comment est-ce que vous voyez cette contradiction ?
Nils : Je vois ce que tu veux dire, c’est hyper intéressant. Après, le deuil ça ne veut pas dire oublier, c’est plus vivre avec qu’effacer. Je pense que tu peux avoir fait un deuil et toujours rester très nostalgique. Et la nostalgie c’est un truc qui est effectivement hyper présent dans notre musique, notamment parce qu’à titre personnel je trouve que c’est un sentiment.. très agréable en fait. J’aime beaucoup me sentir nostalgique, penser de manière nostalgique, et du coup j’écris forcément de manière nostalgique. Après c’est important de pas y rester trop longtemps, il faut doser un peu. Mais artistiquement, c’est un sentiment qui m’inspire beaucoup.
La nostalgie, je trouve que c'est un sentiment très agréable.
Pour en revenir au titre de votre projet, c’est marrant d’associer les fleurs mortes et les mélodies. Vous y voyez quoi vous comme lien ?
Nils : « Dead flowers » c’est vraiment pour le côté deuil dont on parlait, l’idée des fleurs mortes du passé. Et « melodies » c’est pour représenter déjà l’aspect très mélodique de notre projet. Tu vois, y’a aucun son kické, sans mélo. Et aussi, on trouvait que ça transportait cette idée d’espoir, de lumière, que ça apportait des couleurs plus chaudes. Donc ça met en lumière cette dualité tout le temps présente dans notre musique - comme tu le mettais en avant avec le deuil et la nostalgie.
Marius : Et ça fait aussi un chemin : d’abord « dead flowers » et après « melodies ». C’est le cheminement du projet, même si c’était pas forcément voulu au début, je m’en rends compte maintenant.
Nils : Au début du film, on dit « les enfants - donc nous et les avatars dans le film - sont partis sur le chemin des souvenirs oubliés, et ils laissaient derrière eux une traînée de fleurs mortes et de mélodies ». Et je trouve que c’est une belle image pour le projet.
Votre nom « Les Grands Enfants », c’est pour pas dire adultes ?
Marius : C’est un nom qu’on a choisi il y a longtemps, qu’on n’avait pas trop conscientisé. Et puis il y a deux-trois ans on s’est dit que ça faisait trop bébés, trop naïfs. Finalement, ça représente bien le message qu’on fait passer notamment dans le projet, le deuil de l’adolescence et le refus de passer à l’âge adulte, d’être toujours dans l’entre-deux.
Nils : C’est comme si plus le temps passait, plus le nom nous correspondait bien en fait (rires).
Ça a guidé votre direction artistique finalement.
Nils : Ouais, de façon très inconsciente au début. Mais en fait c’est très cohérent.
Marius : Heureusement d’ailleurs (rires).
Quelles sont vos attentes pour la suite ? Peut être faire un peu de scène ?
Marius : Niveau scène, on va faire un festival tremplin à Amiens qui peut nous mener à être sur la scène en septembre-octobre si on gagne. Après, on espère monter sur scène à droite à gauche, pour des soirées de collectif, pour montrer notre musique à des gens qui ne nous connaissent pas. En parallèle, on veut continuer à faire des chansons. On a déjà des maquettes, on se projette sur la suite, notamment ce qu’on pourrait sortir comme projet après l’été.
Nils : L’idée c’est de défendre un maximum le projet pour aller sur scène, et de faire le plus possible des chansons qu’on kiffe.
Selon vous, quel.le artiste mériterait plus de visibilité aujourd’hui ?
Nils : Moi je dirais Nyluu, c’est sûrement l’artiste qui m’a le plus touché en ce début d’année, notamment son projet avec Idées Noires qui est vraiment excellent. Son univers est super unique, il a vraiment sa manière d’écrire, de chanter, de trouver des mélodies, et le tout est hyper cohérent.
Marius : Et moi Jeune Austin. Il a sorti un projet il y a quelques moi qu’on a vraiment surkiffé. Et on s’est dit qu’avec ce projet il allait vraiment péter, et en fait pas tant que ça, donc le rapport qualité / visibilité il n'est pas au niveau. Pareil, ça a un côté rap avec des inspirations rock, drum & bass sur les prods. Nous, c’est les trucs qu’on aime.
Propos recueillis par Anna Reiser.