Il y a cette mélodie qui vous plonge instantanément dans votre adolescence. Et celle qui vous fait faire un bond dans le futur. Il y a cette chanson qui vous évoque des moments heureux, vous procurant comme une sensation d’euphorie dont il devient difficile de se lasser. Il y a aussi cet.te artiste qui parvient toujours à vous réconforter, à vous motiver et vous accompagne dans votre vie…Personne n’échappe au pouvoir de la musique et aux émotions qu’elle nous procure, pas même ces talents émergent.e.s que vous ne connaissez peut-être pas encore. Pour apprendre à les connaître, nous avons décidé de les soumettre à un questionnaire un peu particulier: le 33 Tours de Tourtoisie Music.

Présente-toi en quelques lignes.
Salut, je suis Chester, rappeur de Paris-sud. J'oscille entre le 92, 91, 94, toujours dans la banlieue parisienne, toujours dans Paris-sud. Ça fait à peu près 10 ans que je rappe, j'ai sorti 4 EPs sur les plateformes, "Wisteria" c'est mon 5ème EP. Y'a plein de clips disponibles sur Youtube, je fais beaucoup de concerts, je vis que pour ça !
Le morceau qui a marqué ton enfance ?
Je crois que celui qui m'a le plus marqué, dans le mood un peu négatif piano c'est Sorry, Blame It On Me d'Akon. Il fait une lettre d'excuse à sa mère. Celui-ci, vraiment, avec mon père quand on l'écoutait dans la voiture c'était fort. Sinon en rap français c'est Y'a pas de mérite de Sniper.
Quel est le job le plus nul, ou le plus marrant que tu as déjà fait pour pouvoir investir dans la musique ?
J'ai toujours bossé à côté de la musique avec les enfants. J'ai mon BAFA, c'est vraiment une passion. Je me suis jamais dit "allez j'investis", de toute façon l'argent que je gagne je le mets dans la musique de base. Sinon j'ai déjà fait des jobs qui ont servi à rien. J'ai fait serveur en plein centre de Paris, dans un quartier avec des mecs qui me ressemblaient pas du tout et je m'entendais pas du tout avec le boss, moi je suis quelqu'un de très maladroit.. serveur c'est pas ouf [rire]. J'ai aussi fait coursier à vélo une journée, et j'avais pas de vélo donc j'ai pris un Vélib'. J’étais dans un quartier où il y avait que des montées, j'ai rendu le sac le lendemain j'ai dit "Ciao les gars". Mais les sommes que je gagne, de toute façon je les mets dans la musique donc c'était pas une énorme concession.

En grandissant, comment imaginais-tu la vie d’artiste ?
Quand j'étais petit je m'imaginais plus faire des sketchs ou faire des conneries tu vois [rire]. Parce que j'ai fait du théâtre aussi, j'étais grave dans ça à un moment. Mais j'ai jamais imaginé être une star. J'ai eu cette discussion là avec ma copine, un jour je lui ai dit que je voulais pas être ultra connu. Elle m'a dit "je te comprends pas, tu veux percer ou pas ?". Moi tu vois une carrière comme celle de L'or du Commun ou Peet je l'envie de ouf ! Ils sont connus en Belgique mais pas beaucoup en France. J'ai envie d'avoir une carrière bien nichée avec mon publique, après si ça s'élargit c'est tant mieux mais je ferai pas des concessions sur mon son pour l'élargir. Je rêve pas d'un succès flamboyant. Je rêve que ma musique soit écoutée en France, dans la francophonie, ce qui est un beau défi quand même [rire].
Le format audio que tu souhaiterais remettre au goût du jour ?
Je suis très attaché au format EP. Nous les artistes émergents je pense qu'on est tous comme ça, on a pas envie de dire je sors un album tant qu'on a pas une petite notoriété. Moi, "Fuego", c'est officiellement considéré comme un album sur les plateformes, sauf que pour moi c'est un EP parce que c'est le truc de l'artiste émergent, je présente ma petite lettre de motiv', mon petit CV.
Là je voulais revenir sur un EP, 6 titres, je suis de plus en plus attaché au petit format. Mes prochains projets seront des 3-4 titres, quitte à sortir des singles entre. Faire un album de 12 titres ça serait un gros step et je pense que je suis pas encore prêt. Je trouve que faire un album de plus de 10 morceaux c'est dur en vrai: c'est dur de trouver une couleur, d'y mettre une logique. Aujourd'hui c'est ce qu'on voit avec l'air du stream, y'a plein d'artistes qui sortent des morceaux pour sortir des morceaux. Mais c'est dur de faire beaucoup de morceaux, et puis ça coûte de l'argent aussi, y'a des trucs qu'on ne dit pas [rire]. Faire 6 morceaux, s'ils sont qualis, t'as pas besoin d'en faire plus. Le seul qui arrive à te faire un album avec autant de tracks qualis pour moi c'est Alpha Wann, et Laylow à la limite. Mais Alpha avec Une main lave l'autre y'a pas un skip quasiment, je trouve ça dingue.
Quelle couleur donnerais-tu à ta musique ?
Ma musique est de la couleur de ma cover, du bleu nuit et de l'orange. Le projet il est aussi positif que négatif, c'est un peu les montagnes russes. En fait tous les morceaux sont différents. Le bleu c'est pour exprimer l'angoisse par moment, la torpeur qui te suit, le "est-ce que tu vas y arriver ?". Le nuit c'est aussi pour te dire "demain est un autre jour", demain tu seras peut être dans un autre mood. Et le orange c'est la lumière, c'est l'espoir.
Comment définirais-tu l'univers Chester ?
J'en parle dans le morceau Isaiah je dis que "c'est du rap simple pour un type compliqué". Ce qui est simple sont les propos, pour moi quand tu comprends ce que je dis c'est du rap simple. Moi je suis ultra fan de Peet, un artiste belge. Là où il est trop fort, c'est qu'il fait des phrases hyper claires et simples, il peut te dire je suis allé acheter une pomme au supermarché et il le dit avec une telle aisance que tu te dis ah ouais ta life elle est stylée [rire]. Mon rap aujourd'hui il est simple, il est très authentique. Oui, j'essaye de mettre grave de technique et beaucoup de musicalité, mais pour moi j'ai plus à prouver que je suis technique, parce que sur ma petite carrière solo à moi je l'ai déjà prouvé.
Est-ce que tu es attaché à une époque musicale en particulier ?
Je pourrais faire le vieux coup en répondant que je suis attaché à l'époque Boom-bap. Je me suis souvent dit que j'avais trop le seum de pas avoir eu mes meilleurs skills de rap quand 1995 a commencé à péter. Je devais être au collège à ce moment là, je faisais pas de rap, pour moi c'était inconcevable. Maintenant quand je vois la vibe que j'ai, je me dis merde pourquoi j'étais pas à cette époque là.

Est-ce qu’il y'a une oeuvre qui a inspiré ton EP ?
Je regarde malheureusement pas assez de films. Je dirais qu'en général dans la musique que je crée y'a un film qui m'a mis une giffle c'est Mommy de Xavier Dolan. Le personnage m'a beaucoup fait penser à moi dans les petites crises que je pouvais faire quand j'étais plus jeune, sans les troubles du comportement. Mais le personnage est tellement touchant, c'est l'aura qu'il dégage en fait. Vu que je travaille avec des enfants, surtout dans des situations compliquées ça me parle de ouf.
Ton album du moment ?
Je vais pas citer Kendrick parce que ça fait trop mainstream [rire]. J'allais dire Memoria mais en fait M.A.N de Josman. Memoria était exceptionnel mais rapologiquement parlant je me suis pris une plus grosse gifle avec M.A.N.
Du moment non, mais le meilleur album de rap que j'ai entendu c'est Cercle Vertueux de Deen Burbigo.
Pour finir, à quel(s) artiste(s) aimerais-tu donner de la force ?
Je veux donner de la force à Malter et Brass qui sont deux très bons potes et qui sont des artistes talentueux que j'adore. Ils sont vraiment trop forts, il faut écouter ce qu'ils font: Malter est un chanteur incroyable et Brass a une plume sublime.
Et le mec à qui je veux donner de la force, et à qui j'en donne tout le temps, c'est Peet. Je fais du rap, et j'oublie que je fais du rap quand j'écoute Peet parce que je suis un auditeur assidu. Je suis allé le voir à l'AB à Bruxelles c'était blindé, il est très connu en Belgique et pourtant il fait des petites salles à Paris, je souhaite qu'en France son nom soit connu aussi. Dans le choix des mots et des prods c'est tout ce que je kiffe.
Propos recueillis par Sébastien Charmettant