
I'll Never Give Up On Love Until I Can Put A Name On it, au-delà d’être l’album au titre le plus long de cette rentrée, signe le retour du groupe Las Aves. Trois ans après Die In Shangai, le trio a eu le temps de mûrir, au travers de nombreux rebondissements amoureux. De « You Need A Dog » à « Thank You », I'll Never Give Up On Love Until I Can Put A Name On it retrace donc les espoirs et désillusions liés au sentiment amoureux, tout en s’imprégnant d’un style beaucoup plus électronique qu’auparavant. Vincent, Jules et Géraldine nous en ont confié les rouages dans les locaux de Wagram Music.
Bonjour Las Aves, comment ça va ?
Tout va bien ! On vient de jouer à la Gaîté Lyrique qui était une date importante pour nous, et on a eu beaucoup de retours, ça fait du bien.
Avec votre nouvel album, I'll Never Give Up On Love Until I Can Put A Name On it, vous vous intéressez à une thématique qui est celle du futur. Qu’est-ce qui vous passionne là-dedans ?
Imaginer la musique que certaines personnes pourraient réaliser dans quelques années nous a toujours intéressé. On n’a toutefois pas la prétention de faire une musique qui soit aussi visionnaire. À la base on vient du rock, et notre premier album était très analogique pour les techniciens. Plus on avance, plus la dématérialisation nous intéresse. Surtout avec le mélange de sentiments très humains amenés par Géraldine dans les paroles, après avoir vécu des rebondissements amoureux assez violents. On trouvait que c’était un beau contraste entre ce côté romantique, presque « cheesy », et la musique numérique et dématérialisée d’ordinateur. Ce qui nous a inspiré, c’est d’imaginer un robot qui chanterait sur des sentiments très humains.
Déjà sur la pochette du premier album, on pouvait voir un vaisseau spatial flotter à la surface de l’eau. De quand date votre plongée dans l’univers de la science-fiction ? Et par quoi êtes-vous tombés là-dedans ?
C’est assez inconscient. Comme nous sommes trois, nous avons chacun des influences très différentes. Cela s’est fait naturellement. On ne s’est pas réveillés un matin en se disant : « on va faire quelque chose de numérique avec des sentiments très forts ». Au fur et à mesure que Géraldine écrivait ses textes, on cheminait vers des chansons d’amour. Et plus l’on avançait dans l’enregistrement, plus on se débarrassait de vieilles habitudes avec de vrais instruments et des sonorités plus chaleureuses. Petit à petit, ce constat s’est imposé à nous. On en a pris conscience lorsque l’on a commencé à creuser là-dedans.
Aucune influence extérieure donc ?
En fait, quand on se retrouve tous les trois dans une pièce, on est très influencés par l’énergie qui se crée. C’est hors de ce que l’on fait à côté comme lire, aller voir des films… On ne reste que sur la musique que l’on fait, en tentant de lui donner un sens.
Elle ressemble à quoi, pour vous, la musique du futur ? Elle marquerait le mariage des ordinateurs avec des sentiments très bruts ?
Sincèrement, on ne pense pas que ce que l’on fait ressemble à la musique du futur. C’est ce que l’on trouvait bien maintenant, avec les outils que l’on avait sous la main, qui sont très basés autour de la technologie. Dans le futur, on a plutôt l’impression que la musique acoustique va revenir sur le devant de la scène, peut-être même que les micros pourraient disparaître. Comme si toutes les technologies s’arrêtaient de fonctionner et que l’on devait revenir vers la guitare acoustique. Notre album c’est plutôt la musique de maintenant, on n’essaie pas d’imaginer la musique de demain. C’est un mauvais prisme selon nous, on préfère transmettre les émotions les plus brutes possible avec ce que l’on a sous la main.
Mais on ne maîtrise pas toujours ce que l'on a sous la main, c'est ça ?
Exactement. En ce moment, le plus facile d'accès pour nous, c'est l'ordinateur. Et en même temps, c'est un outil très intéressant pour nous car on découvre tous les jours avec. Ne venant pas de la techno, c'est ce qui nous a plu : le fait de redevenir amateurs, de pouvoir en apprendre toujours plus, d'être comme des enfants ! Ça s'est vraiment déroulé comme ça : on suivait des masterclass d'ordinateur et on a appris plein de trucs. Si pour le prochain on pourrait par exemple tester quelque chose avec de la harpe, ou partir sur un univers plus orchestral... Enfin, si on en a les moyens !
Vous avez notamment collaboré avec Lucien Krampf, celui que l’on surnomme volontiers le « petit prince du gabber »… Comment ça s’est passé ?
Ce surnom lui va très bien ! On n’était pas spécialement attirés par le gabber. À la base, on a entendu parler de Lucien quand il a produit le premier EP d’Oklou. On y a trouvé quelque chose de très sincère, de très juste dans la production. Sachant qu’il venait du hardcore, on trouvait cela intéressant qu’il se soit aventuré vers de la musique plus pop, plus douce. Avec notre passé de rockeurs un peu énervé, on s’est dit que cela pouvait donner quelque chose d’intéressant. On a été attirés par sa personne, par le prince plus que par le gabber !
Quel regard vous porter sur l’amour à l’ère du numérique, avec des applications comme Tinder, ou le fait de « stalker » la personne que l’on aime sur Instagram ?
Le fait qu’il existe plein de nouvelles façons de communiquer, de se parler ou de ne pas se parler, cela influence la façon dont les relations se créent. L’idée c’était de retranscrire ça. Quand tu te fais ghoster par exemple, tu ressens un sentiment de colère et tu ne peux projeter ça sur personne. Ce qui est douloureux, c’est d’être peut-être encore plus seul qu’auparavant dans une déception ou dans un amour non partagé. Mais d’un autre côté, cela permet d’avoir des contacts plus faciles… Tout est plus extrême en fait !
Alors, j’ai beaucoup lu que ce second album différait beaucoup du premier. Dans le style, oui, évidemment, on vient d’en parler. Mais finalement, quand je reviens vers « Heartbeats » ou encore « N.E.M » qui fait écho à « Worth It » avec cette fierté revendiquée. Qu’en pensez-vous ?
On a été surpris que certaines personnes le prennent comme un tel virage ! Ça a été une évolution musicale, certes. C’est bon signe car cela montre que nous sommes allés ailleurs, mais on a été surpris de voir que certains étaient choqués. Pour nous, l’essence est toujours là dans la construction des morceaux, les mélanges que l’on fait… Finalement, changer un synthé ça change tout !
Du côté des nouveaux clips, cette esthétique futuriste est également omniprésente. Jules, c’est toi qui as réalisé les trois, et c’est la première fois que tu passes derrière la caméra pour Las Aves ? Tu peux nous dire ce qui a été le déclic, et qu’est-ce que tu voulais faire ?
Très simple : Daniel Brereton n’avait pas le temps ! C’est vrai que c’est quelque chose qui me passionne, et j’avais plein d’idées, donc ça s’est fait naturellement. J’ai adoré le faire, surtout celui à Hong Kong !
Dans la musique, comme dans l’art contemporain, on parle de plus en plus de l’aspect conceptuel, qui prime parfois sur la création même. Vous n’avez pas peur de tomber là-dedans parfois ?
Pas du tout ! La musique, c’est le seul truc que l’on sait faire ! Avec cet album, c’est la première fois que l’on fait un effort de concept, alors qu’avant on allait peut-être moins profondément dans les choses. On s’est radicalisés sur plusieurs choses. Par exemple Géraldine est allée sur un terrain plus vrai, et plus risqué aussi. L’album est plus dirigé, et peut apparaître comme un concept. Mais c’est vrai qu’en général il faut faire attention à ça, à trop se focaliser sur le concept et laisser du creux dans la musique. Mais dans notre cas, c’est impossible : c’est trop sacré pour nous que la musique tienne toute seule, et ça le sera toujours.
Parlons un peu de votre live. À la Gaîté Lyrique, vous êtes arrivés déguisés, en princesse sortie d’un manga, ou encore en savant fou couvert de sang. C’était une envie de célébrer Halloween, ou c’est récurrent dans vos concerts ?
Déguisés ? Ah non pas du tout (rires) ! On était juste un peu plus habillés que d’habitude… En fait, ça dépend des concerts. Mais par rapport à la tournée précédente, on est plus libres. Avant on était toujours vêtus de blanc, avec les mêmes tenues. Maintenant on fait selon notre humeur, selon la date… On aime bien l’idée d’avoir une tenue complète et finir le plus brut possible. Mais encore, ça n’est pas un automatisme, c’est selon le public aussi…
Si on reste dans le futur, mais qu’on se limite à la fin de l’année, et peut-être 2020, qu’est-ce qu’il vous arrive ?
Suspens, disons ça comme ça ! On a des concerts en France et en Belgique mais pour le reste… On n’a aucune idée de ce qu’il va se passer. On aimerait bien revenir en Chine ! On devait y aller en novembre mais malheureusement ça ne s’est pas fait. Comme ils n’ont pas les mêmes réseaux, les mêmes services de streaming que nous, cela créé une petite barrière.
Lorsque vous jouez en Chine devant un public qui n’a jamais entendu votre musique, qu’est-ce que ça créé ?
C’est très différent selon les endroits ! Pékin est très occidentalisé, on y retrouve la même culture du concert qu’ici avec des pogos. Mais dans d’autres endroits plus reculés, il y a beaucoup plus de sécurité. On a vu des trucs bien dépaysants… On était choqués, ils étaient choqués, tout le monde était choqué ! En fait, au lieu d’avoir des barrières devant la scène, tu peux avoir une ligne de policiers. Et les gens dans le public ont des bâtons lumineux qu’ils agitent au lieu d’applaudir, c’est tout de suite plus calme !
Interview réalisée par Lolita Mang
Las Aves sera en concert le 18 décembre à l'Aéronef de Lille. Retrouvez plus d'informations sur la page Facebook de l'évènement.