Fin octobre ; les feuilles tombent et les journées raccourcissent tandis que Lachinos révèle son tout premier EP, l’explosif America Lachina ! Signés chez Goutte d’Or Records, les 6 musiciens s’affranchissent des codes traditionnels pour nous livrer avec audace, une perle musicale. Portrait !

© Marine Billet
Quel est le lien entre la Colombie, l’Algérie, la France et le Pérou ? C’est Lachinos, un sextuor qui déjoue les frontières et célèbre l’amitié à l’unisson. Amis de longue date, leurs débuts se font au cœur d’une effervescence multiculturelle, le Festival de la Cour Denis. Chaque année et pendant 3 jours, cette ferme bourguignonne prend vie : concerts et performances théâtrales, c’est une effusion artistique ! « Mon rêve c’était d’y jouer » nous confie Nicolas, un des fondateurs du groupe. Plus connu sous son alias CasioP, lui et ses amis vont alors monter un set pour une unique date ; c’est là que nait Lachinos.
Après la Bourgogne, ils atterrissent dans les quartiers nord de Paris, chez Goutte d’Or Records. Label avant-gardiste qui n’est autre que la branche tropicale de la notable maison de disques Cracki Records, il se présente comme plus inattendu et expérimental. Avec un projet musical aussi exotique que détonnant, c’est donc chez Goutte d’Or que les hispanophones Lachinos signent ce premier EP.
Mais que veut dire « Lachinos » ? C’est la simple contraction des mots « latinos » et « chinos » (« chinois » en espagnol). Effectivement, ils remarquent qu’il est parfois difficile de différencier les latino-américains des asiatiques. De ce constat est né leur nom de groupe. Mais Lachinos, c’est surtout 6 musiciens : CasioP, Sayonara Linux, Le Moniteur, Pedre, Brunolivier et ChebaGwadire. « Je travaille à l'opéra donc j'ai apporté quelques codes du monde du théâtre au groupe comme les costumes et les noms de scène », indique Nicolas. Véritables alter egos des musiciens, le choix de tels noms sont des clins d’œil à un trait de caractère, ou font référence au monde du deejaying vaporwave.
S’il y avait un adjectif pour représenter le groupe, ce serait « assaisonné » ! Quant à leur musique, elle s’inspire de nombreux genres et rythmes de la culture latino-américaine comme la cumbia ou le merengue, mais Nicolas avoue qu’il préfère le terme « fusion tropicale ». « On se bat un peu contre le terme World Music, qui est un raccourci un peu vexant ». Quant à leurs inspirations musicales, sont aussi bien cités les artistes favoris de leurs parents comme Lucho Bermudez, Joe Arroyo ou Leonor Gonzalez, que Julian Mayorga, Meridian Brothers ou Los Pirañas. C’est d’ailleurs Eblis Alvarez, membre des Meridian Brothers qui s’est chargé de mixer leur tout nouvel EP.
Avec un univers aussi solaire et explosif, America Lachina ne pouvait différer. Le résultat se traduit par une musicalité euphorique, rythmée par des récits qu’ils ont apposés. L’opus débute avec le frétillant « Hang Tuah », un titre festif et coloré qui raconte la légende du grand guerrier malaisien éponyme. En ce qui concerne la musique, « c'est un hommage à la période de Noël en Colombie. Partout où tu marches dans les rues du pays, tu entendras ces chansons d'artistes colombiens qui sont diffusées dans les radios, taxis, bus, boutiques : partout ! C'est de la joie et de la nostalgie ». Quant au superbe clip qu’ils ont réalisé avec le duo Poetas Menores, nous en avions parlé dans notre dernier Plan Clip !
Beaucoup plus intime car relatant l’histoire d’amour des parents de CasioP, l’EP se poursuit avec « Alas Rotas ». Dès l’ouverture, impossible de ne pas être séduit par la suave voix qui nous promet de revenir, « Y por ti volveré »… Elle laisse place à des cordes percutantes et des percussions mordantes, parfois ponctuées de notes de synthé futuristes. Voici leur marque de fabrique ! Une nouvelle fois animé par le collectif Poetas Menores, le clip narre la rencontre d’une femme et d’un colibri, à l’image des parents de Nicolas. Fusionnant ensemble, ils parcourent l’horizon jusqu’à un volcan qu’ils s’empressent de gravir. Arrivés en haut, ils plongent dedans, comme se lançant dans une nouvelle aventure.
Après ce voyage psyché aux allures rétro, vient « Cáncer Del Colon ». Au début du morceau, se mêlent le roulis des vagues à une mélodie chantée et aérienne. Puis, elle débouche sur un rythme percussif avec des voix plus tranchées, qui scandent : « Que se vaya el colon de la casa ! ». Ici, le message est un peu plus politique et délicat, « il parle de colonisation et notamment du massacre amérindien lors de la conquête européenne ». Puis l’atmosphère apaisée du début revient, avec des chœurs qui m’évoquent les voix pop et émotives du duo Bleu Toucan. Enfin, survient ce magnifique solo de ce qui semble être une flute traversière pour clore le morceau.
Le plus interpellant de tous, c’est sûrement « Fête De Mes Morts » ! Selon CasioP, « c’est le Bohemian Rhapsody version Lachinos ». Effectivement plus farfelu et électrisant, il combine un synthé rétro-futuriste avec des voix franco/anglo/espagnoles, qui racontent une soirée ennuyeuse où les gens préfèrent s’assoir plutôt que de danser : « Es aburrida esta fiesta sin bailar, todos se emborrachan pa’ sentarse en un sofa ». Au fil du temps, le morceau monte en puissance et semble s’accélérer, guidé par des chants expressifs. « Vous tous me faire chier […] c’est l’heure de se coucher », voici comment s’achève cet opus, originalement construit !
America Lachina, c’est une ode à la musique sud-américaine. Pas de doute : ce premier EP made in Paris nous invite à une exploration immersive et haute en couleurs de la planète Lachinos.
Découvrez America Lachina, le premier EP de Lachinos sur Spotify :
Par Clara Jouaux-Savinien