Après PIAANO, un second EP remarqué sorti en 2017, LAAKE est de retour avec O, un opus de onze titres écorchés et maximalistes, qui mêle instruments classiques et musique électronique. Chronique.

Quand la musique sort – vraiment – des tripes. Raphaël Beau n’est pas passé par le Conservatoire. Pas de solfège, seulement des répétitions et – beaucoup de travail. Mais la musique, n’est-ce pas avant tout l’instinct ? C’est du moins ce que revendique celui qui se cache derrière LAAKE, filou qui mêle les boucles de piano aux machines. Il n’est pas le premier à y avoir songé, et, il faut le dire, le mariage pourrait tourner court : on ne compte plus le nombre de productions sur lesquels on appose trois notes de piano un peu faiblardes. Ce qui n’est pas le cas du compère LAAKE.
C’est avec l’EP de six titres PIAANO que le producteur fait ses premières armes. Sorte de mini-album épatant où gabber et hardcore fusionnent avec les influences classiques, comme sur le sulfureux “Melancholia”. Aujourd’hui, il revient avec un premier long-format hétéroclite et extrême.
L’urgence : c’est sans doute le fil conducteur du disque, mené par des productions essoufflées, au rythme qui ne cesse de croître, laissant quiconque l’écoute déboussolé. Avant même de prêter une oreille attentive à O, cela se lit sur la tracklist, qui démarre fort avec “RUN”, puis “PANIC” ou encore “FUGUE”.
Comme s’il plongeait dans les affres de l’âme humaine, LAAKE fait de O un disque où les émotions virevoltent et s’entrechoquent. On n’avait pas écouté un album aussi baroque et maximaliste depuis l’inoubliable The Golden Age du Français Woodkid. C’est sur le titre “BROKEN” que LAAKE rappelle le plus la musique déchirante et théâtrale de Yoann Lemoine. Âmes sensibles, s’abstenir : les cuivres ne jouent pas, et sauront arracher des larmes aux coeurs les plus éprouvés. Riche, le disque prend de l’ampleur et étend son répertoire avec quelques morceaux plus classiques que d’autres, où quelques notes de piano suffisent à faire résonner des comptines d’un autre temps : c’est le cas de “NOVEMBER” et “CASTAWAY”.
Autre surprise, qui vient donner au disque un tournant inattendu : des voix écorchées se mêlent aux productions électroniques. D’abord lointaines et distordues, en anglais, puis plus présentes et nues, comme sur le frappant “MIND”, largement inspiré par le plus célèbre des poèmes de Paul Éluard, ”Liberté”. Or, en 2020, l’on écrira des noms non plus dans la bouffée d’aurore, mais plutôt dans les bas-fonds. C’est la chanteuse Tallisker qui vient prêter sa voix pour cette ré-interprétation sordide, que certains connaissent son remix du titre “Gole Yakh” de Kourosh Yaghmaei, sorti en 2016.
L’urgence, le désespoir, la désolation… O en laissera plus d’un sur le carreau. L’album n’a pas été conçu pour faire danser – exception faite du lumineux “LIGHT”, ultime morceau et apothéose du disque …. Sinon, il faut avoir le coeur bien accroché pour se confronter aux prouesses de LAAKE, ou bien accepter de se laisser embarquer sur un fleuve sombre, les yeux fermés, et d’en affronter les précipices émotionnels.
O est disponible sur toutes les plateformes :
Par Lolita Mang