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KWOON : la bête sous contrôle

9 ans après la sortie de son deuxième album, le retour de KWOON se fait attendre. Avec trois morceaux parus cette année, dont le puissant « Last Paradise », l’annonce d’un nouveau projet n’a jamais été aussi proche. Ces derniers sont également l’occasion de se repencher sur le groupe de post-rock et sur sa manière si particulière de transmettre des émotions.


Il y a des morceaux que l’on écoute pour s’endormir, d’autres pour travailler, d’autres encore pour danser. KWOON compose de ces morceaux que l’on écoute pour ressentir. Et ne s’en vante pas : le groupe reste discret. Faire sa biographie n’est pas chose aisée, tant les informations manquent à leur propos. Non pas que celui-ci soit particulièrement obscur, puisque leur titre le plus populaire cumule tout de même plus de 2 millions de streams. Alors, très bien, on ne parlera pas des musiciens derrière KWOON, mais bien de leur musique. Qu’importe. À l’écoute des premières notes de Tales and Dreams ou de When the Flowers Were Singing, on comprend instantanément que c’est là que se trouve le cœur du sujet.


L’introduction de leur premier album, Tales and Dreams donc, pose le décor : l’ambiance se veut lourde et atmosphérique avant de s’adoucir par une ballade acoustique au chant d’une légèreté inattendue, presque salvatrice. Lorsqu’une mélodie saturée apparaît, la tension se lève d’un cran et nous entraîne en rythme. Voilà, en un morceau, ce qu’est KWOON. Une forme de pudeur précieuse, tant dans la voix que dans les compositions, qui ne cache rien de moins qu’une énergie folle, prête à jaillir à tout instant. Elle le fait, par ailleurs, à plusieurs reprises, comme si la pression était trop forte. « Blue Melody », troisième piste de l’album, en est le parfait exemple, avec cet incessant crescendo qui finit par faire éclater les guitares pour qu'elles hurlent littéralement dans le micro.


Une fois les émotions déversées, reste la fatigue. KWOON reprend alors ses habitudes, son train lancinant et doux, dans la bien-nommée « The Beast », morceau instrumental d’une extrême fragilité. Mais le souvenir de l’explosion de son est toujours présent, et taraude l’esprit de l’auditeur qui reste à l’affût de la prochaine. Riche idée, puisqu’elle ne tarde pas arriver. Après des mélodies hésitantes à se faire entendre, tel le dernier souffle d’un mourant, « Eternal Jellyfish Ballet » impose le crescendo comme une véritable marque de fabrique pour le groupe. KWOON ne souhaite définitivement pas composer des morceaux. Il veut créer des ambiances, de celles qui sont assez riches pour faire vivre un ensemble d’émotions à la fois.


Pour cela, le post-rock du groupe puise ses origines dans l’indie des années 90. On reconnaît du Thom Yorke dans le chant quasi inaudible, plus là pour accompagner les instruments que l’inverse, mais aussi du Billy Corgan dans la manière de maltraiter les guitares. Le contraste entre les deux éléments est en cela fascinant qu’il fonctionne à la perfection. Tout autant qu’il s’agit d’un miracle si les cordes tiennent bon durant les explosions musicales, difficile de passer à côté du fait qu’elles se font entendre au bon moment, celui où la voix ne parvient plus à contenir l’émotion qu’elle dégage. L’agressivité de l’un vient soulager les pulsions de l’autre, juste avant d’échanger les rôles pour adoucir les mœurs.


Cette recette, KWOON la reprend et l’adapte sur son deuxième album, When the Flowers Were Singing. Ce dernier est introduit par un morceau grandiloquent qui rappelle les instants les plus intenses de Tales and Dreams. La boîte à musique, déjà présente sur le premier opus, fait son retour pour ajouter la dimension candide que l’on connaît désormais au groupe. Toutefois, les mélodies sont plus travaillées, plus présentes aussi comparées aux imposantes progressions d’accord de Tales. L’atmosphère se veut également plus bienveillante, plus encline à nous laisser rentrer dans ce monde que les musiciens créent au fil des notes. Cette fois, l’optimisme est de mise, aussi bien sur le morceau éponyme de l’album que sur « Great Escape ».


Toute l’essence du post-rock se retrouve dans cet album. L’expérimentation héritée du rock progressif, ainsi que l’accessibilité des compositions empruntées au punk et à l’indie ne sont au service que des puissantes émotions qu’il souhaite transmettre. C’est probablement ce dernier aspect qui réussit le mieux au groupe. KWOON ne laisse aucun doute sur la direction que prennent ses morceaux. Ceux-ci vont exactement là où les attend, mais ils le font avec une telle précision, une telle grandeur que l’on ne peut qu’accepter ce qu’ils ont à offrir. Bien que le groupe délaisse quelque peu ses fameux crescendos sur ce second album, il parvient tout de même à faire ressentir une intense satisfaction lorsque l’évolution des morceaux, si subtile que l’on pourrait passer à côté, saute enfin aux yeux.



Deux ans après When the Flowers Were Singing sort The Guillotine Show, un EP qui dénote des projets précédents par son aspect plus pop et son chant moins discret. Il s’agit sûrement du plus rock d'entre eux, au sens strict du terme, tant par son côté plus "rentre-dedans" que par ses compositions plus classiques. C’était en 2011, avant que KWOON se mure dans le silence. Un single intitulé « Swan » est bel et bien paru en 2014, mais n’a pas suffi à contenter l’attente développée par deux albums remarquables. 2020 pourrait bien signer le retour sur le devant de la scène des musiciens, avec trois titres dévoilés au cours de l’année. « Alaska » est une expérimentation ambient ressemblant à s’y méprendre à une bande originale composée par Hans Zimmer. « Life » est quant à lui une ballade acoustique qui marque un peu plus la transition du groupe vers des sonorités plus pop.


Début décembre sort finalement « Last Paradise », dernier titre en date de KWOON. Que ce soit les percussions puissantes et solennelles, ou bien le son de l’orgue qui porte le morceau, celui-ci sonne comme une rétrospective d’une année difficile. Au fur et à mesure que les harmonies se superposent et que les instruments prennent de l’ampleur, la chanson devient le porte-étendard des nombreuses revendications sociales qui ont secoué les derniers mois et se veut annonciatrice d’une révolte qui ne saurait tarder. À l’instar des autres projets du groupe, le titre est fait pour galvaniser les foules, dans les stades ou dans les rues. Il pousse à faire entendre sa voix, à laisser sortir la bête qui sommeille pour, enfin, chanter à l’unisson.


Par Simon Aunai


Dans l'attente de leur prochain album, découvrez dès maintenant KWOON sur Spotify :



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