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Kaky : "Ce qui me touche dans le rap, c'est ce que tu vas raconter"

Dernière mise à jour : 8 févr. 2021

La frontière est devenue bien fine ; les rappeurs se font chanteurs et les chanteurs, rappeurs. Avec ses textes et ses mélodies hybrides hip-hop/chanson française, Kaky fait partie de la seconde catégorie, bien que sans l'avoir vraiment choisi. Le jeune homme de 23 ans semble s'en remettre au hasard et aux bonnes surprises : à partir d'un simple enregistreur portatif - offert par ses potes en guise de cadeau d'anniversaire - il en est venu à bricoler des instrus, puis des chansons, puis une fanbase. Désormais fort d'une petite notoriété sur Instagram, où il partage ses Kakysounds (courts morceaux de musique mis en image et réalisés à partir d'enregistrements d'objets du quotidien), Kaky vient de sortir le titre "Lundi matin", avant de franchir l'étape symbolique du premier EP. Discussion avec un amoureux des sons et des mots.



Tu viens de sortir « Lundi matin », un morceau plus léger que tes précédents titres, plutôt sombres et introspectifs…


C’est vrai que « C’est pas la peine » et « La tête pleine » étaient assez lourds à écrire et à faire. Alors que « Lundi Matin », c’est pour le kiff. Cela me plait de faire ce genre de morceaux ; je suis quelqu’un de plutôt joyeux au quotidien, j’adore faire des blagues et je ne suis pas du tout une personne « déchirée ».

Et au-delà du côté fun, j’essaye aussi de traiter de plus en plus de thèmes précis dans mes textes. C’est vraiment quelque chose qui m’importe et qui me touche dans la musique des autres : par exemple « Ces gens-là » de Jacques Brel, c’est une chanson écrite avec un point de vue très observateur. J’essaye de me rapprocher de ça quand je décris les gens dans le métro pendant tout un titre. Parler de choses qu’on a tous vécues – un gosse qui pleure dans ton wagon, les gens relous etc. – toujours avec un peu d’humour et en dénonçant quelques vérités.



Comment as-tu commencé la musique?


Je chante depuis toujours. Et puis j’ai toujours écouté pas mal de trucs différents, et pas forcément la musique que mes potes écoutaient. Plutôt des trucs à l’ancienne : de la chanson française ou du rock comme Queen, Nirvana, Elvis Presley - ma mère écoutait beaucoup de rockabilly à la maison. J’ai très vite été sensible à ce genre de mélodies.


Puis, j’ai reçu une guitare pour mes dix ans. J’ai commencé à en jouer avec mon père, on a d’ailleurs appris en même temps. Je faisais principalement des reprises en anglais et ce n’est d’ailleurs que très récemment, avec les Kakysounds, que je me suis mis à vraiment vouloir écrire des chansons. C’est quand j’ai rencontré mon frérot Simony [rappeur et co-auteur sur « Lundi Matin », ndlr], qui rappe beaucoup et avec qui j’ai commencé en faisant des prods, que je me suis dit que je voulais faire mes propres trucs, que j’avais des choses à raconter.


Mais je n’aimais pas ma voix en français. J’ai passé pas mal de temps à travailler là-dessus, sur mes intonations et mes placements. Sans pour autant forcer et que ça finisse par sonner cheap, en mode vieille chanson française. Et puis je me suis mis à de plus en plus kiffer ce qui se faisait dans le rap ; le style a énormément évolué et est devenu tellement mature que tu peux maintenant t’inspirer d’énormément de choses différentes.


Quels sont tes rappeurs préférés et qu’est ce qui te touche dans leur musique ?

J’avoue que j’écoute moins de musique depuis que je me suis mis à en faire, probablement parce que j’écoute maintenant d’une oreille différente. Mais ce que fait Simony par exemple, je trouve que c’est ce qui se fait de mieux. Il vient de sortir un projet [Donny Darko, le 4 décembre dernier, ndlr], et les sons tuent : y’a tout dedans.



Ce qui me touche dans le rap, c’est ce que tu vas raconter. Bien sûr, tu peux aussi parler du flow, des mélodies ; j’adore la DA de Laylow, mais je vais moins accrocher à ce qu’il dit. Y’a des tas de manières différentes pour raconter les mêmes choses, certains vont juste le faire plus musicalement, avec des toplines par exemple. Alors qu’un Népal par exemple, c’est du texte brut ; j’aime les mecs qui vont te toucher du premier coup avec des paroles que tu vas comprendre, mais auxquelles tu vas découvrir de la profondeur en les écoutant des dizaines de fois… Mais sinon, pour te répondre clairement, je dirais Lefa : je trouve qu’il y un bon mix entre textes, kickage, charisme et mélodie.


C’est drôle que tu parles des textes comme d’une priorité dans un morceau, alors qu’au départ, tu es plutôt beatmaker...


En ce moment, je suis en train de revoir ma manière de faire de la musique pour mes futurs projets, vu que je viens de finir mon EP [la date de sortie n'a pas encore été annoncée au moment de cette interview, ndlr]. Et je me rends compte que j’ai certes un bagage de beatmaker, mais plutôt en tant que mélodiste. J’aime bien trouver ma base mélodique, ma tonalité, la bonne couleur. Ensuite, je travaille toujours avec Cameleon [beatmaker et ingénieur du son sur le projet, ndlr], avec qui je revois tous les morceaux que j’ai pu enregistrer dans ma chambre. J'ai compris quelque chose d'important en expérimentant avec lui : quand ça ne sonne pas bien, il ne faut rien rajouter. Au contraire, il faut enlever des éléments jusqu’à ce que cela fonctionne, c’est là que tu trouveras un équilibre. Et cela veut dire que chaque instrument est à sa place.



Comment t’es venue à l’idée les Kakysounds, ta mini-série musicale sur Instagram où tu enregistres des objets du quotidien pour composer ?


J’ai commencé les Kakysounds en avril 2019, le jour de mon anniversaire. C’est drôle, parce que c’est cette même journée où j’ai rencontré Caméléon, qui avait un studio à Champigny-sur-Marne. Je rentre chez moi pour ma soirée d’anniversaire, et mes potes m’offrent un Tascam, un enregistreur de super qualité. Le lendemain, je commence à enregistrer des tas de trucs avec un pote pour les sampler ensuite, en prenant comme modèle des vidéos que j’avais vues sur Instagram, où des mecs enregistrent un son de bouteille, puis construisent toute une prod autour. On commence à enregistrer le micro-onde, le verre, des pièces de monnaie…


Je me met à faire une prod pour rigoler, tout en filmant le processus. J’ai fait pas mal de montage pour une asso de média à la fac qui rapportait ce qui se passait à la Sorbonne. Et j’ai très vite aimé faire des petites vidéos, du montage… Les Kakysounds, c’est dans la même idée d’allier le ludique au musical.


Après avoir enregistré un texte sur mon instru, j’ai fait un petit clip, je l’ai monté et j’ai posté ça sur Insta. Ça a donné la première version de « Lundi Matin ». Et là, je reçois plein de messages de gens qui me disent « Trop bien mec, continue ». Alors que c’était la première fois que je sortais un son. Et j’ai continué. Je n’ai pas encore beaucoup de sons à mon actif, mais tous les morceaux que j’ai fait avec les Kakysounds, je les ai mis sur l’EP.


Tu les as d’abord sortis en version courte, puis tu les as refaits pour l’EP ?


Après les avoir avoir sortis en version courte, je les ai laissés dormir pendant plusieurs mois. D’autant plus que j’avais du mal d’écrire un texte tout entier d’une traite, je ne me sentais pas capable de faire de « vrais » morceaux. Mais ça m’a permis de prendre un peu d’audience en postant des sons d’une minute, de montrer ce que je savais faire et de recevoir plein d’avis et de conseils. Le premier Kakysound est sorti en avril 2019 et ce n’est qu’en décembre de la même année que j'ai publié « La tête pleine » [son premier clip, ndlr]. Dans une version qui n’est d’ailleurs plus disponible car le morceau était trop cool, mais ça ne plaisait pas : on avait refait l’entièreté de la prod avec Caméléon et on avait enlevé tout ce que j’avais fait sur le Kaky Sound. C’est en voyant les réactions que je me suis dit que la clé pour trouver mon style, c’est de suivre ce que je fais et me faire confiance. Sinon, j’en oublie mes propres morceaux.



Tu as l’impression de te prendre la tête sur ta musique ? Tu te placerais comment sur une échelle de « prise de tête musicale », entre 0 qui serait totalement instinctif et 10, complètement cérébral et control freak ?


Cela dépend des phases : quand je dois composer, j’essaye de me concentrer à fond pour être vraiment dans le truc, trouver des idées que je ne trouverais pas si j’étais plus détendu. Mais le moment où j’ai eu le plus besoin d’être focus, c’est quand tous les morceaux de l’EP étaient plus ou moins finis et qu’il fallait vraiment réfléchir à la couleur que le projet devrait dégager, réfléchir à l’ordre des titres etc. Il y a plein d’erreurs que j’ai faites et auxquelles je n’ai pas pensé, parce que je ne peux jamais tout gérer, ça serait monstrueux. Et puis cela enlèverait en partie la beauté du truc. Je pense qu’il faut parfois laisser le temps aux gens de décider comment interpréter tes morceaux. Je n’ai pas envie de les forcer à comprendre un morceau d’une certaine manière alors qu’ils se l’ont peut-être pris différemment.


Tu gères comment la pression, celle d'un jeune artiste qui a décidé de se lancer dans la musique et de l’assumer en plein contexte de pandémie mondiale ?


C’est un peu bizarre. Je n’ai jamais connu la scène par exemple. Je n’ai fait un seul concert, c’était en première partie de Thérapie Taxi à la Maroquinerie en février dernier.

Et c’est aussi néfaste pour l’inspiration. Je ne suis pourtant pas quelqu’un qui sort beaucoup, je suis un peu casanier. Mais la crise du COVID m’a plus touché que ce que je ne pensais. Je suis en promo de projet, mais je n’ai pas forcément la force de faire mine que ça va bien. Et ça bride vraiment la créativité, surtout ce confinement qui est un entre-deux, qui n’est pas un vrai confinement. Quand tu es confiné comme en mars, c'est clair ; ton corps et ton esprit finissent par l’accepter, tu passes à autre chose. Là, tu peux plus ou moins sortir mais pas vraiment… Ca enlève tout le charme de la vie.


Après l’EP, quelle est la suite pour toi ?


Faire l’album. Je ne sais pas encore exactement quelle forme cela va prendre, mais j’ai vraiment envie de m’ouvrir à d’autres univers musicaux, sortir du mode de travail de l’EP, où on n’était que deux sur tous les morceaux.


J’ai aussi envie d’aller en studio. J’en parlais récemment avec Twenty9 [producteur qui a notamment travaillé avec Dinos, SCH, Yseult, Swing, nldr] qui m’a dit que cela change vraiment de vibe par rapport à quand tu es dans ta chambre, quand tu es avec des potes et que tu fais de la merde pour te marrer. En studio, il n’y que toi, des beatmakers et un ingé son : j’ai vraiment hâte de découvrir cette ambiance.


Propos recueillis par Elie Chanteclair

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