Tiste Cool se distingue par des sons french-pop où à travers une esthétique rétro, décalée et tropicale, il cultive un romantisme noir.
Pour fêter la sortie de son premier EP : Caïpiranha, nous le retrouvons dans un café du 10ème arrondissement ; l’occasion pour lui de nous parler de ses collaborations avec Julien Doré, de sa passion pour la photographie ou encore des soirées pigaliennes.

En 2006, tu as joué avec Julien Doré avec Dig Up Elvis avant de fonder les Waterllillies. Comment s’est passée cette rencontre ?
J’ai rencontré Julien à Nîmes, dans une boutique de fringue (Chez Giselle). Ils l’avaient pris pour faire l’inauguration et j’étais venu aider pour le son. On s’est bien entendu et on a commencé à jouer ensemble. À cette époque, il avait monté un groupe (Dig Up Elvis), je les ai rejoins à la batterie avant de fonder les Waterllillies. A l’époque on écoutait les Black Keys et on voulait faire du son comme ça. Je l’ai invité à venir chanter sur un titre de l’album, c’était un peu notre duo, et avec les Waterllillies, on faisait la première partie de ses concerts de temps en temps.
Comment a démarré le projet de Tiste Cool ?
En 2016, je jouais avec Omoh mais j’avais envie d’autre chose. Je suis parti à San Francisco et je me suis rendu compte que je parlais très mal anglais. J’avais besoin de mon dictionnaire en permanence (rires). A partir de là, je me suis dis que j’allais chanter en français sur un nouveau projet.
En lisant tes textes, on trouve une forte dimension poétique. Est-ce que c’est quelque chose à laquelle tu penses quand tu écris ?
Je n’écris pas en pensant : « poésie » mais j’ai été influencé par la beat generation et ses poètes. C’est quelque chose que je tiens de mon père, ce goût pour le côté écorché vif, comme dans les protest songs où on dit les choses sans trop de formules poétiques. Ça m’a vachement touché.
Je m’intéresse aussi à l’écriture intuitive. Après, il y a tout un travail de remise en forme pour mettre ça dans des chansons. La dernière chanson de l’EP (« Manifeste à Pauline » - Caïpiranha 2019) c’est exactement ça, j’ai tout écrit d’un trait avant de modifier deux ou trois choses. Pour moi, écrire, c’est un cri du cœur qui doit venir de façon instinctive.
Dans le morceau « Le Mépris de Godard », on entend des extraits de messages vocaux que t’ont laissés un ami et une femme qu’on devine être ta copine ou ton ex. Ta musique s’origine-t-elle toujours dans ton expérience ?
Au début c’est le message d’un pote, encore saoul de la veille, puis des messages de mon ex qui racontent des moments cool pendant quatre ans jusqu’à ce que vienne la séparation.
Pour moi, la musique est introspective, ce projet est aussi né d’une envie d’auto-thérapie par l’art. J’avais besoin d’écrire ce que je ressentais, ça me faisait un bien fou, et j’ai décidé d’aller jusqu’au bout, en l’éditant au format cassette (à retrouver sur la page bandcamp). A l’origine, cet EP était comme un carnet secret de jeunesse.
Du coup, on comprend mieux la filiation avec Ian Curtis que tu revendiques dans « Ian Curtis Has Died Today ».
C’est un personnage qui m’a énormément influencé à travers ses textes, sa musique et ce que j’ai pu voir de son attitude. Il était à 100% dans ce qu’il faisait : il était ce qu’il faisait.
Dans Manifeste à Pauline, tu fais référence à ton enfance passée à Nîmes comme à une période tourmentée…
C’est un pan de ma vie que j’ai assez mal vécu… mais écrire m’a appris à vivre avec. Je me suis rendu compte que j’avais eu beaucoup de chance d’avoir une éducation musicale et un éveil à la sensibilité avec l’aide de mes parents. A l’époque, je le vivais mal, mes potes jouaient au foot et faisaient du karaté, pendant que je jouais du violoncelle ou que j’allais voir des spectacles chelou avec mon père. Aujourd’hui, ça nourrit ma création, donc c’est chouette.
Dans tes chansons, tu fais allusion aux fins de soirées passées à Pigalle, souvent pour oublier un chagrin d’amour…
Déjà à Nîmes je faisais pas mal la teuf, comme tous les jeunes. Puis quand je suis arrivé à Paris, j’ai découvert Pigalle, ses habitants et son microcosme. Je me suis fait plein d’amis et ça fait dix ans que je sors là-bas pour oublier mon quotidien, qui n’est pas forcément très dur non plus. Il y a cet espèce de vague à l’âme latent, et à Pigalle, je ne l’oublie pas mais je vis mieux avec parce qu’il est partagé. C’est une fête triste et chaleureuse. On est tous ensemble et on s’amuse, c’est le plus important. C’est vrai que j’ai noyé pas mal de chagrins amoureux là bas, dans les bars. Finalement, chanter du Johnny jusqu’à 5h du mat, ça fait pas de mal.
Dans l’EP, on retrouve le morceau « Indépendance maladive » où tu invites Marie-Flore à chanter. Tu peux nous raconter l’histoire du clip ?
J’ai rencontré le youtuber Maxenss dans une salle de concerts à Nîmes, j’adorais ses vidéos. Je lui ai demandé de réaliser ce clip et il ne l’a pas senti mais finalement, en écrivant le scénario, j’ai pensé à lui pour jouer dedans et il a accepté. Je ne suis pas signé donc tout est fait maison, on a tourné à Pigalle. Je voulais montrer le côté looser que je peux avoir dans les relations, genre l’amoureux raté et la nana qui le fait tourner en bourrique. Le mec qui part avec la fille c’est moi, mais en vrai ce n’est pas toujours comme ça (rires) !
Dans tes chansons, tu fais allusion à ton goût pour la photographie, c’est une passion que tu cultives depuis longtemps ?
Elle m’est venue à San Francisco, en même temps que ma passion pour les enregistreurs-cassette. Je me suis mis à prendre des photos avec un vieux 35mm. Je trouve ça super cool d’aller chercher le tirage de mes photos, je ne sais jamais à l’avance à quoi ça va ressembler. Quand je sors, je prends souvent des photos et je ne m’en souviens pas toujours, ça fait de belles surprises. C’est un retour au grain que je cherche, que ce soit dans la photographie ou avec la musique.
Je ne suis pas passéiste, au contraire j’aime beaucoup la modernité mais je crois que j’avais besoin de me confronter au passé pour aller de l’avant. A travers ça, il y a un retour à l’enfance, c’est cool de retrouver aujourd’hui le grain qu’il y avait dans les photos de famille.
Avec Tiste Cool, tu as créé un personnage avec un côté rétro et décalé. On a une impression de contraste quand on compare cette esthétique avec tes lyrics…
C’est vrai qu’il y a une esthétique mi-tropicale, mi-nocturne. J’ai voulu brouiller les pistes. Clairement, si tu lis les textes hors-contexte, ça peut être assez plombant. Quand je les écris je suis sincère mais avec la création de tout cet univers autour des paroles, j’ai voulu dédramatiser. Ça permet aux gens, suivant leur mood, de soit les prendre au pied de la lettre et être mélancolique, soit de les prendre avec plus de légèreté. C’est hyper important pour moi de ne pas me prendre au sérieux mais d’être hyper sérieux là dedans.
Retrouvez Tiste Cool en concert le 14 novembre aux Trois Baudets.
Écouter son nouvel album ici.
Propos recueillis par Jules de Saint-Michel.