La Ménagerie de Verre, 75011
à Paris le 26/09/2019
En marge de la sortie de « HiFi Romance », nous retrouvons Antoine Pesle pour parler de son premier album, mais aussi de sa collaboration avec Juliette Armanet et sa passion pour la musique électronique.

Bonjour Antoine, comment t’es-tu forgé un goût pour la musique et la composition ?
D’abord en tant que DJ à la fin des années 90 et au début des années 20 : à force de passer la musique des autres j’ai voulu créer la mienne pour voir comment elle était construite. En 2005 j’ai eu mon premier lap-top, un pote m’a filé un programme et j’ai commencé à faire de la musique. Puis j’ai joué du synthé pour deux groupes à Lille, et, de la frustration d’être à côté et de jouer des chansons qui ne me plaisent pas plus que ça, est née mon envie de jouer mes morceaux.
Y'a-t-il des albums qui t’ont marqués ?
Quand j’étais petit, mon père écoutait souvent João Gilberto. J’écoutais aussi Hotter than July de Stevie Wonder, Thriller de Michael Jackson, Controversy de Prince ou encore Madonna.
A l’écoute de ton premier EP « Amour Lemon » [2013], on ressent une certaine excitation et de l’euphorie…
Carrément, c’est une époque où je découvrais l’amour, j’étais à fond… J’écoutais beaucoup de Disco et j’étais amoureux d’une italienne. C’est peut-être pour ça que ça sonne Italo-Disco (rires). Ça correspondait aussi à l’énergie que j’avais : à l’époque j’étais tout seul sur scène et j’ai une culture de musique électro de club. Pour moi la scène c’était forcément disco, jouer à minuit et envoyer le son.
Il ressemblait à quoi ton studio à l’époque ?
C'était chez moi, j’avais une boite à rythme, un ordinateur que j’avais acheté et un synthé analogique.
Même si ton dernier album est moins électronique, tu cultives encore cette sensibilité, en travaillant par exemple avec YouMan [AlpageRecords], pour toi c’est important de faire danser les gens ?
Quand j’ai composé l’album « Hi-Fi Romance », je sortais de ma collaboration avec Juliette Armanet et mon projet n’était pas de faire de la dance music, mais là j’y reviens. Je joue avec un groupe, on est cinq sur scène et on a une culture très hétérogène. Par exemple, le batteur a pas mal de pattern de disco dans les mains. On va aller de plus en plus vers ce côté festif !
En parlant de Juliette Armanet, tu la rencontres en décembre 2014, lors d’une soirée au Pop-Up et tu décides de co-produire son album Petite Amie pour lequel tu fais les arrangements. L’album sort en 2017 et obtient le disque d’or. Ce projet a-t-il influencé la composition de « Hifi-Romance » ?
Elle m’a contacté pour bosser sur son album quelques mois après cette soirée. Quand j’étais ado, j’écoutais énormément de Hip-Hop, de RnB, de House et de Techno. J’étais DJ et j’avais cette obsession de la musique dansante. Mon père écoutait beaucoup de Jazz et des musiques plus acoustique. En fait, j’ai découvert les Beatles et la musique pop 70’s sur le tard entre 2005 et 2010. Avec Juliette, j’ai appris à faire un album de pop conventionnelle en jouant avec des instruments et pas seulement des machines branchées sur un ordinateur.
Ton premier album « Hi-Fi Romance » sort le 4 octobre 2019. Certains morceaux comme « Too Much » ou « Quiet Still » rappellent les premiers albums de Phoenix...
Tu vises juste parce que les trois premiers albums de Phoenix je les ai rincé, plus que les deux suivants. « Wolfang Amadeus Phoenix », j’ai trouvé ça dingue mais je l’ai moins écouté, c’est autre chose. Le mec de ma soeur m’avait fait découvrir « Phoenix United », je n'y serais pas allé de moi même parce que j’étais dans autre chose mais c’était une porte d’entrée vers la culture 70’s comme Daft Punk peut l’être quand t’écoute « Discovery » et qu’avec les samples tu piges l’étendue de la culture électronique, funk qu’il y a dans les années 70’s-80’s.
La musique d’aujourd’hui ça peut être une porte d’entrée vers une bibliothèque musicale de fou pour peu que tu sois curieux et que tu digges un peu sur internet.
A l’écoute de « Close to You », que tu as déjà sorti clipé, on retrouve aussi des influences reggae...
Je connais pas tant que ça mais je trouve qu’il y a toujours un truc super dans la pop qui sonne pas comme du reggae mais qui récupère des éléments de reggae. Je suis un gros fan de « NightClubbing » de Grace Jones, c’est un album où il n’y a que des reprises et c’est juste une magie de producteur de créer, avec des musiciens du moment, un truc qui sonne pas comme le stéréotype du reggae mais qui réutilise des codes de cette musique.
C’est ce que j’essaye de faire sur « Close to You » et sur « Scrub Area ». C’est une esthétique que j’aimerais développé.
Même si cet album relève plus de la « pop conventionnelle » comme tu l’as dit, ta culture électronique ressort un peu partout. Tu es d’accord ?
Ah bah j’adore l’électro, les synthés, et, de toute façon, tu parlais de Phoenix et tout ça, je pense que c’est un truc assez français d’appréhender la pop avec la minutie qu’il y a dans la musique électronique. Quand tu appliques cette minutie sur de l’acoustique, il se passe un truc ineffable qui fait que ça sonne moderne. Je pense que c’est la force de la pop française de savoir faire ça… Regarde Air, ce sont des fans des Beatles… En gardant cette minutie, tu produis donc une pop qui brasse beaucoup de genres…
J’aime bien quand la musique a très peu d’informations. Ma tête c’est un sampler, je peux te dire que l’idée de la basse vient de tel morceau, que celle du chant de tel autre morceau… Les influences sont tellement assumées qu’elles finissent par disparaitre. Dans un même morceau il peut il y avoir un générique TV de Radio France, une idée d’un son de Mariah Carrey et un truc hyper jazzeux. C’est mon alibi pour créer.
Tu as appris de façon autodidacte ?
Oui, aujourd’hui beaucoup de gens apprennent tout seul. Parfois, les esthètes qui sortent du conservatoire de Jazz, ils sont incapables d’enregistrer leur musique parce qu'ils ont une telle exigence envers eux même… ils veulent que le chorus sonne comme celui de Coltrane, ce sont des montagnes de travail.
Moi je veux finir les choses. Je suis exigeant mais mes ambitions sont peut-être un peu moindre que celles de quelqu’un qui serait très érudit, qui aurait des connaissances harmoniques et voudrait à tout prix innover. Je sais que je n'invente rien, je fais de la pop, c’est cool.
Hi-Fi Romance sonne comme la synthèse et l’évolution naturelle de la pop des années 2000…
J’écoutais beaucoup de musique dans ces années là, c’est là que je faisais le plus attention à tout ce qui sortait. Je ne sortais rien parce que dans ma tête je me disais « il faut que t’aies le dernier truc ». En fait c’est impossible, t’es forcément largué si tu fais ça. Il faut digérer, digérer et puis à un moment tu sors un truc. Coup de bol si c’est synchro ou alors t’as l’air ringard, peu importe, le but c’est de sortir les choses.
L’album s’appelle donc Hifi Romance, tu peux nous parler du titre ?
Avec Dominique Guillot, on a produit un spectacle d’art contemporain qui s’appelle « Un Moment Hi-Fi », on parlait de la haute fidélité du sentiment amoureux etc. Si j’ai repris ça sous le nom de « Hi Fi Romance », c’est aussi parce que j’ai eu des relations à distance dans ma vie, souvent conditionnées par des moyens de communication où tu passes ton temps à dire « est-ce que tu m’entends, est ce que tu me vois ? » et ça marche pas et c’est l’enfer (rires). Du coup c’était un prétexte pour trouver des titres à mes chansons avec un
champ lexical qui n’est pas forcément dans les textes. J’ai repris tout un champ lexical qui est en fait celui d’Ableton !
Tes morceaux abordent toujours le thème amoureux avec douceur et mélancolie. Quelle importance accordes-tu aux paroles ?
Sur ce disque là, je ne cherche pas à faire un travail d’auteur. J’essaye d’avoir des paroles qui évacuent totalement le sens. Le sentiment amoureux est suffisamment léger pour que l’on n'ait pas l’exigence de se demander si c’est bien écrit. A partir du moment où je m’attarde sur le texte d’une chanson, je trouve ça mauvais parce que j’ai besoin de me laisser emporter par quelque chose qui convoque un imaginaire différent de celui de l’auteur. J’ai un rapport plus sensitif que rationnel à la musique. D’abord il y a les sensations.
Pas de feat annoncé sur l’album, c’est un projet solo ?
Ça ne se voit pas mais chaque titre est une collaboration, les musiciens qui viennent enregistrer sont mes potes avec qui je suis sur scène. Je suis sûr de ce que je veux en prod mais de temps en temps j’ai un doute, un musicien arrive et il a une idée qui ouvre une nouvelle porte sur un nouvel imaginaire. Par exemple dans « Latence » c’est Edouard, au clavier, qui a l’idée de mettre l’orgue.
Il ressemble à quoi ton studio aujourd’hui ?
Je viens de le finir, il est pas mal (rires). On a fait une captation dedans pour le clip de « Too Much » qui est en train d’être monté et qui sortira bientôt. Je suis content, il y a de beaux instruments.
On te retrouve le 16 octobre au Cuba Café dans le cadre du MaMa Festival. Tu as d’autres dates de prévues ?
J’espère qu’on va beaucoup jouer cette année. Il y a une tournée en préparation pour le printemps. Moi, mon but c’est de jouer sur scène avec le groupe. C’est quand tu es sur scène que tu comprends pourquoi tu fais ce boulot, c’est là que tu as des sensations.
Interview réalisée par Jules de Saint-Michel