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HIM$ : « J'essaie de faire de la musique intertemporelle. »

Rappeur du XIXème arrondissement de Paris, HIM$ s’est lancé en solo après des années à être entouré d’autres artistes. Loin de l’image « underground » qu’on aime bien lui donner, le rappeur a des ambitions en France comme à l’international. Portrait.


@merlinferret

Comment décrirais-tu ta musique à quelqu’un qui ne la connaît pas ?


Ma musique est futuriste dans l’esprit déjà, et puis très cloud. Mais ça dépend, je fais un peu de tout, donc il n’y a pas vraiment de description. Je ne suis pas bloqué dans une case, donc je dirais juste que j’essaie de faire de la musique intertemporelle.


Après avoir quitté ton groupe Summum Klan, tu t'es lancé en solo. Puis, tu as monté ton label Worldwide Boys Records. Quel est ton rôle au sein ce label ?


C’est un label que j’ai créé indépendamment. Au début, c’était vraiment du développement que je voulais faire à travers d’autres artistes, car j’avais déjà développé ma musique. L’idée, c’était qu’ils aient un studio à disposition pour eux, un caméraman… Pour moi-même, ça n’avait pas vraiment d’intérêt que je crée un label, c’était plus pour avoir des gens autour. L’idée, c’était de créer un collectif. Maintenant, je suis tout seul dans ce label : il y a un an et demi, j’ai décidé de ne plus avoir d’artiste. Mais le but c’est qu’un jour je puisse avoir d’autres artistes et retravailler avec d’autres gens, voire peut être de signer des artistes à nouveau.


Y avait-il une raison pour laquelle tu ne voulais plus accompagner d’artistes ?


Je pense que quand tu signes un artiste, tu deviens forcément ami avec la personne, donc dans mon label j’avais des gens avec qui j’étais ami, et d’autres que j’avais juste repérés. Ceux qui n’étaient pas mes amis ne sont pas restés, et après il ne restait que mes amis dans le label. C’est un moment où je me cherchais, et on commençait à moins se voir avec mes amis du label, donc je ne voyais plus l’intérêt d’avoir des artistes qui sont davantage là car ce sont tes potes que vraiment pour la musique. Finalement, si on était resté 100% ensemble, je les aurais gardés. Mais là je me suis dit que je devais plus me focus sur moi, vu que je suis aussi un artiste en développement.


À partir de quel projet t’es-tu dit qu’il fallait que tu te focus sur toi ?


Entre Briminal et 243. J’ai voulu développer ma musique sans penser à aider sur d’autres projets, parce que je m’investissais beaucoup trop dans les autres projets du label. J’allais au studio écouter les sons, on travaillait les tracklists, c’était une implication quand même. Je veux d’abord atteindre mon objectif, et peut-être qu’à partir de ce moment-là, je m’occuperai d’autres artistes. J’en ai en vue, mais je veux d’abord prendre le recul de faire quelque chose sans que ça marche sur mes plates-bandes.


Penses-tu que tu étais trop entouré ?


Tu sais, parfois on dit le travail et l’amitié ne vont pas ensemble : je pense que ce n’est pas forcément vrai car quand tu travailles, il y a une amitié qui se crée. Et encore, pas forcément. Ce que je veux dire c’est que quand tu recrutes quelqu’un par amitié, puis que l’amitié n’est plus ce qu’elle était au début, tu vois plus forcément l’intérêt d’avoir ces personnes-là, et de les aider comme tu les aidais auparavant car le statut et le contexte ont changé.



Tu collabores avec deux producteurs principaux : Keeplee et Apher. Quel genre de relation entretiens-tu avec eux ? Comment travaillez-vous ensemble ?


Apher est mon ingénieur son, donc c’est lui qui enregistre la quasi-totalité de ma musique – sauf quand je suis dans un autre pays. Mais quand j’enregistre sans lui, j’ai du mal à faire aboutir le morceau. La musique, ça va super vite, et comme je vais en studio deux fois par semaine, il y a beaucoup de sons qui passent à la trappe. Mais il est toujours là pour avoir le recul nécessaire, et peut-être qu’un jour on fera des projets, de type lost files (NDLR : fichiers perdus).

À la base, Keeplee est un pote à lui, qui était souvent avec nous au home studio d’Apher. Avec le temps, on est devenus potes, et ça l’a motivé à faire des productions. Il a d’abord posé un son sur le projet que j’ai en commun avec FVRTIF, puis l’année dernière, on a bossé quelques tracks. Les sons de Trapstar Vol. 3 datent tous plus ou moins d’il y a un an. Avec Charles (NDLR : Keeplee), c’est lui qui m’envoie les prods et je rap dessus quand j’aime bien. Alors qu’avec Apher, on est sur du sur-mesure à 80%, on crée vraiment les sons pendant les sessions.


Sur le projet, tu commences par un son chill et tu finis par un banger en featuring avec BU$HI et JMK$. Ce n’est pas forcément habituel. Pourquoi ce choix ?


La tracklist, je l’ai travaillée plusieurs fois. Pour moi, comme le projet est plus dynamique, j’ai préféré mettre la partie douce au début du projet pour pouvoir très vite passer à autre chose et n’être que sur le côté trap ensuite. Je préférais qu’on finisse par les sons qui « tapent » plus. C’est un projet qui s’appelle Trapstar, donc tu commences avec le joker, mais c’est important de finir par le concept que tu veux donner.

De base, je trouvais que « Le Chemin » correspondait plus à mon prochain projet. J’aime bien séparer les sons sombres et les sons plus clairs : celui-ci, je trouvais que c’était vraiment un entre-deux, je l’ai mis au début de Trapstar.



J’ai remarqué que tu adoptes toujours le même schéma d’écriture dans cet EP : refrain / couplet unique / refrain. Pourquoi ce choix-là ? Comment y réfléchis-tu ?


J’ai l’impression que c’est un format habituel, mais c’est vrai que beaucoup commencent par un couplet. Moi, j’ai l’impression que mon cerveau suit un genre de schéma répétitif. Et je pense être conscient que je suis beaucoup plus fort dans les refrains. Du coup, j’essaie d’accrocher les gens, de leur donner le meilleur dès le début du son, ce qui va rentrer dans leur tête. Mes refrains, c’est mon point fort.


Il y a des sons de Trapstar vol. 3 qui ne sont pas sortis ?


Il y a trois sons supplémentaires qui sortiront soit dans le CD en précommande, soit dans l'édition Deluxe en mai.


Le projet c’est d’être « overseas », d’exporter ma musique dans le monde.

Tu es assez proche de rappeurs américains, notamment le A$AP Mob. Comment ça se fait ?


Quand j'étais jeune, j'avais un pote qui était à Londres et qui a rencontré Nast. À partir de là, quand ils venaient à Paris, on les voyait. Maintenant, ça fait presque dix ans qu’on les connait, on est devenus proches. Mais rien de fou, c’est une connexion naturelle : c’est l’histoire d’un fan qui va voir un artiste qu’il aime bien, et l’artiste kiffe le mec. Et on est presque devenus des figures grâce à eux, car maintenant à Paris les gens se disent : « ce sont eux les plugs ». On a accueilli pas mal de gens comme ça, même des footballeurs américains, mais les gens ne le savent pas (rires). Je pourrais te citer plein de rappeurs dont je suis très proche, mais personne ne le sait. Quand tu traines avec beaucoup d’artistes, tu te rends compte que prendre des photos, s’exposer beaucoup, ça n’est pas la meilleure des choses. Il ne faut pas que tu sois en mode fan quand tu rencontres des gens, il faut que tu sois toi-même. Il y a des manières d’agir qui te rendent mal à l’aise si tu as une attitude de groupie.


Quelle influence ce collectif US a-t-il eue sur toi ?


Ça a surtout influencé mon rapport avec la mode. J’avais déjà un certain rapport à l’image en regardant leurs vidéos et en écoutant leur musique. Mais j’ai surtout vu la transition entre la mode et le rap dans la mode. Maintenant, les rappeurs ils sont à toutes les fashion week : quand Migos ou Pop Smoke sont venus à Paris, tout le monde était au courant. Alors qu’au début, ça n’était pas aussi hype qu’il y ait des rappeurs aux défilés. Moi, j’étais là au tout début. Je me suis dit que je pouvais ramener ça en France, car je trouve qu’en France on n’a personne comme ça. Les gens qui sont stylés dans le rap, ils ont tous des stylistes, je ne les compte même pas. Dans le game, si t’as un styliste, pour moi, tu n’es pas frais. C’est ton styliste qui est frais (rires).


@merlinferret

Pour toi, quelle place a la sape dans l’imagerie d’un rappeur ?


La sape, c’est ton identité, c’est là où tu te places. Quand tu vas à l’école, notamment en France où on peut s’habiller comme on veut, tu vois bien que les communautés se séparent toutes par leur style. Les mecs qui écoutent du hip hop s’habillent en Carhartt ou en Nike par exemple. Le style, c’est un peu ta catégorie sociale dans le monde. Je pense qu’on est tous ouverts, mais plus le temps avance, et moins on va être ami avec quelqu’un d'une autre communauté. Typiquement, je n’ai pas de super ami punk. Et on peut penser qu’on est dans notre délire, mais dès que tu vas à un concert d’A$AP Rocky ou Travis Scott, tu le vois qu’on est beaucoup, c’est juste qu’on n’est pas dans les mêmes villes ou quartiers. Et c’est super important la sape car un mec qui va s’habiller en The North Face dans un clip, on va dire qu’il fait du « rap street », alors qu’un mec qui va s’habiller plus comme moi, même s’il rape la même chose, on ne dira jamais ça.


Mais peut-être aussi que le cloud rap est moins identifié street ?


Je pense qu’en France comme aux États-Unis, on identifie vraiment la street à un truc brut, alors que c’est faux. Il y a plein de chanteurs R&B qui sont street. Ce sont des préjugés que tout le monde a, on est limite programmé à penser comme ça. Par exemple, quand Joke (NDLR : Ateyaba) est arrivé, les gens étaient choqués car il n’était pas comme les autres rappeurs. Il y avait 1995, mais ils étaient dans la catégorie « rap old school » ; on ne savait pas où placer Ateyaba. Ce que je trouve vraiment ironique, c’est qu’on va dire que je suis inspiré des cainris alors que Booba a copié-collé les cainris comme 50 Cent, que ce soit les productions ou le flow. Rohff a copié-collé le Wu-Tang, et à l'époque, on ne disait pas « ils font du rap cainri ». Nous, quand on s'inspire des Américains qui ont conçu le rap, on dit qu’on essaie de faire des trucs cainris. C’est notre style qui fait qu’on est catalogués (...). Mais je ne suis pas un sportif, je m’en bats les couilles de porter un ensemble Adidas ou Nike (rires).


Notre style fait qu'on est catalogués comme des mecs qui veulent faire comme les américains.

Quelles sont tes attentes pour la suite ?


Je vais sortir des sons encore plus ouverts qu’avant, j’explore d’autres trucs. Le but, c’est d’être ouvert à tout le monde. Quand tu es en maison de disques, si tu as un style particulier, c’est facile à défendre car il y a une grosse maison qui travaille derrière, mais quand tu es indépendant et que tu as une musique unique, c’est difficile de la faire monter. Il faut s’ouvrir à des trucs plus mainstream tout en gardant sa musicalité. C’est un peu ce que j’essaie de faire via des sons plus dancehall, ça vient naturellement. Si tu cuisines un plat healthy pour des enfants, il faudra d’abord que tu leur fasses des frites. Si je leur fais direct des légumes, ça va être difficile qu’ils s’ouvrent à moi. Il faudra peut-être maquiller ton plat et le mélanger pour que les petits ils soient contents de manger ça.


Tu le vois comme une porte d’entrée vers un nouvel auditoire ? Est-ce que tu as un plan ?


J’ai un projet, mais je n’ai pas de plan. J’ai des objectifs, mais ça ne dépend pas que de moi. Il y a Péripéties 2 qui arrive, avec plus de sonorités. Déjà, dans le premier, il y avait plus de sonorités claires et douces. Les drums, c’est ce qui fait la rythmique du son, donc j’essaie de garder un peu le même thème de mélodies et de mettre aussi un peu de cloud, de trap, de drill. Ça permet au projet d’être sur une seule couleur.


L’international, c’est dans ton objectif ?


Ça l’a toujours été. J’ai fait au moins dix sons avec des artistes à l’international : deux Italiens, un Canadien, des Australiens, des Américains à Atlanta, New York, Baltimore... J’ai aussi créé avec un Brésilien et un Allemand. Là, le projet, c’est d’être « overseas », d’exporter ma musique dans le monde. Et ça fonctionne, quand je regarde mes streams sur Apple Music, mon deuxième pays, c’est les États-Unis.


Selon toi, quel.le artiste mériterait plus de visibilité aujourd’hui ?


Il y a tellement de gens qui font de la musique autour de moi. Et comme moi-même je n’ai pas non plus de visibilité, je pourrais te répondre « moi » (rires). Mais je te dirais mon pote JO$SY, avec qui j'ai fait plein de sons. Il est plus petit que moi, et comme on est très proches, je dirais qu’il faut lui donner de la visibilité.




Propos recueillis par Anna Reiser.

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