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Gussstave : “Je voulais rendre la poésie sexy”

Dernière mise à jour : 18 oct. 2020

Ce vendredi 19 juin sortait Bedroom Posters (*Spring), premier EP de Gussstave. En cinq titres, le disque déroule une musique faite pour le “slow sex”, sur laquelle on se verrait bien dévaler les collines de Californie face au coucher de soleil, à bord d’une Cadillac cabriolet. Pourtant, entre les lignes, l’EP dissimule plus qu’une simple envie de se défoncer comme en 1969. Pour en savoir plus, il fallait se perdre dans les rues de Montreuil pour rencontrer la tête pensante du projet. Portrait.


Gussstave © Catherine Peter

Nos pensées si intimes, si personnelles, ont déjà été pensées un nombre infini de fois. Ainsi l’écrit Nietzsche, prouvant qu’au fil de nos lectures et de nos découvertes, nous remarquons que rien n’est inédit. Tout a déjà été pensé et souvent, bien mieux formulé. L’idée trouve un étrange écho dans les premiers vers du morceau Just Like You, extrait du premier EP de Gussstave : “Wait, I know we’re so special / But do you really think the world was made for you ?”.


L’idée selon laquelle les pensées peuvent être défraichies, à la fois nôtres et communes en même temps peut sembler déprimante. Et Bedroom Posters (*Spring), premier EP de Gussstave, porte en lui des sonorités parfois nostalgiques, voire complètement emos. Pourtant, ce serait une erreur de ne lire dans les textes qu’un état des lieux un peu triste, une fois l’âge adulte atteint. En réalité, en cinq titres, le disque se présente comme un collage de différents fragments de vie, de conversations, de riffs de guitares comme de duos groovys entre basse et batterie.


Fragments de vie


Il faut le dire tout de suite : la passion première d’Henry de Montbazon – de son vrai nom – n’est pas la musique, mais l’écriture. Et même, plus loin : la poésie. Élevé dans la campagne anglaise, il cultive une fascination pour les dandys britanniques de Oscar Wilde à Lord Byron, en passant par T.S Elliott. S’il manie la guitare à ses heures perdues, il préfère poursuivre un cursus en histoire de l’art à la Sorbonne : “Je n’étais pas très sérieux, je séchais tout le temps pour écrire en pensant qu’un jour j’allais publier un livre de poésie” confie-t-il. “Et puis j’ai réalisé que plus personne ne lit de la poésie. Il fallait la rendre sexy. J’ai décidé d’ajouter un peu de basse, un peu de batterie et merde, j’ai commencé à faire de la musique !”.


Cette obsession des mots se poursuit tout au long de l’EP, alors que le chant est supplanté par des extraits de conversations, ici et là, parfois confus et indistincts, d’autres fois plus intelligibles. Une manière d’ajouter du réel selon Gussstave, qui cite l’extrait glissé dans Marmalade : “Le morceau décrit un déséquilibre dans une relation amoureuse. Il y a une pause et la personne en question dit que l’amour n’existe pas. À ce moment je me rends compte… I need to let it go !Bedroom Posters (*Spring) constitue à ce titre une sorte de puzzle dont il faudrait assembler toutes les pièces, minutieusement : “Mon plus grand bonheur serait de voir que les gens suivent et cherchent les miettes”.



Regard(s) sur l’adolescence


Pour les chercheurs qui s’amuseraient à ce jeu de chasse au trésor, un EP intitulé Sandwich Life se cache encore quelque part sur Internet. Sorti en 2017, il cristallise les tous premiers pas, hasardeux et encore peu sûrs, de Gussstave dans la musique. Un disque né d’une rencontre imprévue en studio et de discussions avec des amis musiciens. “C’était ma première expérience de musique” déclare l’intéressé. “Avec du recul, je l’ai vite trouvé trop immature. Si je voulais défendre mon projet, j’ai compris que je devais d’abord me poser des questions et travailler”. Puis il ajoute, en plaisantant : “Surtout, il y avait des guitares partout, car c’était le seul instrument que je savais jouer. Quand je me retrouvais face à un clavier, je ne savais même pas où était le do !” avoue-t-il en riant.


Désormais signé chez Half Awake Records (Papooz, Muddy Monk), le musicien a la ferme intention de défendre son projet. Bedroom Poster (*Spring) apparaît alors, selon ses propres mots, comme un “regard sur l’adolescence”, période d’incertitudes et de doute constant par excellence. L’intérêt pour le passage à l’adulte relèverait presque de l’obsession chez le Britannique, comme en témoigne sa passion pour les “coming of age movies”, de Lady Bird de Greta Gerwig à Palo Alto de Gia Coppola : “C’est un moment où l'on est encore innocent face au monde, tout en apprenant à interagir avec lui. C’est beau, tout en étant anxiogène. Il y a cette fragilité, mêlée à cette excitation devant la vie”. Pourtant, contrairement à Saoirse Ronan dans Lady Bird, ou bien à Jack Kilmer dans Palo Alto, Gussstave évite la crise d’adolescence violente et la classique rébellion envers l'ordre parental. Après avoir enregistré des bouts de conversation avec son entourage tout au long du disque, il clôture ce dernier avec un discours de sa mère sur Outro (Half of What I Wanted to Be), qu’il traduit ainsi : “Si tu parviens à être à la moitié de ce que tu voulais être, c’est déjà pas mal”.


Par Lolita Mang


Écoutez Bedroom Poster (*Spring) sur Spotify

 

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