Au mois de novembre paraîtra Sexy Planet, le premier album de Bonnie Banane. Si son nom vous est déjà familier, rien de surprenant. De Flavien Berger à Jimmy Whoo en passant par Myth Syzer : la chanteuse a collaboré avec plusieurs producteurs et musiciens éminents de la scène alternative française. Sa voix traînante, son personnage à la fois humoristique et sensuel, son regard envoûtant. Avec ces cartes en main, elle en a déjà séduit plus d’un. Mais derrière ce personnage théâtral, qui est vraiment Bonnie Banane ? Portrait.

Un jour de grisaille, une femme au long manteau de cuir décide de s’aventurer dans une tour Eiffel déserte. La femme, c’est Bonnie Banane, dont l’aura si mystique est sublimée par la caméra de la réalisatrice Mati Diop, dans un clin d'oeil appuyé à la chanteuse yé-yé Tiny Yong. Si le clip de “Flash”, sorti aujourd’hui, dépeint un Paris froid et terne, la production du morceau fait au contraire l’effet des rayons du soleil en plein hiver. Peu étonnant lorsque l’on sait que le duo Papooz y est allé de sa contribution.
L’incessant va-et-vient d’une femme inclassable
Avant de jouer les femmes errantes dans un Paris dystopique, Bonnie Banane s’est petit à petit fait un nom sur la scène du R’n’B français. Certains l’ont croisée au détour du refrain du tubesque “Le Code” où elle accompagne Myth Syzer, Ichon et Muddy Monk. D’autres dodelinent volontiers de la tête sur le générique du podcast féministe La Poudre, peut-être sans savoir qu’il est rythmé par son morceau “L’appétit”. Voix traînante pour Jimmy Whoo, personnage félin le temps d’une chanson d’amour avec Flavien Berger – la chanteuse opère rarement en solitaire, et enchaîne les collaborations plus vite que son ombre.
Tout commence en 2012 avec Greatest Hits, un premier EP au nom déjà saupoudré d’une légère ironie. Le disque est produit par et avec le producteur Walter Mecca. Concernant la production, la Parisienne est franche : “L’ordinateur n’est pas mon ami”. Pourtant, cela ne l’empêche pas de co-produire nombreuses de ses chansons. De l’esprit de fraternité avec le producteur Gautier Vizioz naît Sœur Nature (2016), un second EP baignant dans la soul et la pop conceptuelle. Peu surprenant venant de celle qui a été biberonnée à MTV et à la musique afro-américaine, de Prince à D’Angelo et TLC.
Une femme fatale à la commedia dell’arte
On en est toujours convaincu : Bonnie Banane détient le meilleur nom de la scène actuelle. Difficile de concourir face à un pseudonyme laissant présager mille possibilités, de la dangerosité de Bonnie Parker à la rondeur du fruit jaune. En réalité, le fameux nom de scène de la chanteuse est né d’un délire entre potes. Force est de constater qu’il capture toute l’énergie du projet, de l’importance de l’humour à la sensualité, soulignée par la voix râpeuse de la chanteuse.
Difficile de situer Bonnie Banane sur le spectre musical. Quelques part entre Brigitte Fontaine et D’Angelo, la Française déploie un R’n’B mielleux et théâtral – en témoigne la session COLORS de “Mauvaise Foi”. Arrivée à Paris à 17 ans, elle passe par le Conservatoire National du Théâtre de la capitale, mais refuse d’assimiler cette partie de sa vie avec Bonnie Banane. Difficile à croire tant son personnage se fait tantôt dramatique, comique ou bien émouvant. C’est simple : Bonnie Banane irradie d’une énergie folle. Il suffit de l’écouter confier sur Radio Nova ses rêves les plus fantasques, dont devenir masseuse de bébés animaux.
Des chansons d’amour, des chansons de désamour
“Je veux te montrer le soleil / qui fait de l'hiver la plus longue nuit” chantent Michel Legrand et Nana Mouskouri en 1965. “Quand la lune domine / le soleil boude / mais afin qu'il brille / elle se couche” continue Bonnie Banane en 2020 avec le rappeur et producteur Varnish la Piscine. Depuis l’aube des années 2010, elle chante et déchante les aventures palpitantes des relations amoureuses. “Peut-on se toucher jusqu'à en devenir sourd ?” demande-t-elle à
Myth Syzer, “Ça sera beau comme la première fois où tu m’as crue” assure-t-elle à Flavien Berger. Bonnie Banane serait-elle l’éternel objet amoureux des crooners de la scène française ?
Heureusement, avec la sortie imminente de Sexy Planet, son premier album, l’artiste française dévoile petit à petit ses propres chansons d’amour, comme avec le terrible “Mauvaise Foi”. “‘Tain j’aurai jamais dû faire ça / Je ne voulais pas te faire mal / Non j’aurai jamais dû dire ça / C’est juste que parfois j’oublie / Que ta présence m’est vitale” clame-t-elle tout en fixant la caméra avec un regard mi-menaçant, mi-suppliant. Comme elle l’explique sur le même titre : “C’est jamais noir ou blanc, c’est gris / Heu non, beige”. À la manière d’une Lana del Rey, avec moins de candeur mais plus de cynisme, Bonnie Banane explore les zones d’ombre de la passion amoureuse et toutes leurs nuances. Il faudra néanmoins attendre la sortie de Sexy Planet pour savoir si ces histoires d’amour-là finissent mal.
Sexy Planet [Pêché Mignon], disponible dès le 13 novembre 2020.
Par Lolita Mang