Derrière son énigmatique pseudonyme princier, Pierre III est un artiste difficile à cerner. Et ce n'est ni sa récente mixtape, ni le clip halluciné que l'on vous présente aujourd'hui qui vont le rendre moins cryptique... Mais en retraçant son atypique parcours musical et en scrutant son univers barré d'un peu plus près, on se dit que le bonhomme mérite bien quelques éclaircissements pour dépasser le seuil des premières impressions. Alors avant d'aborder le Pierre III de 2020, celui qui sort des titres sous psychotropes sur une compil' de la Souterraine, nous devons un peu creuser dans le passé.

Pierre III, c'était autrefois la moitié d'un duo : Housse de Racket, groupe qui sentait bon la French Touch de la fin des années 2000, avec ses guitares électriques, ses voix nasillardes et ses textures électroniques. Epaulé par son comparse Victor Le Masne, Pierre était parvenu à créer une identité à la fois moderne et décalée, synthétisant et déconstruisant les mouvances "parigo-branchouilles" de l'époque. Après le chouette Forty Love et son sacré tube "Oh Yeah!" en 2008, HdR (pour les intimes) accouchera notamment du très bon album Alésia en 2011, notamment mixé par le regretté Philippe Zdar - ingénieur du son et moitié de Cassius. Après la fin du groupe en 2015, Pierre officie pour la musique des autres : guitariste pour Myd et Christine & the Queens, il a récemment multiplié les collaborations, de Metronomy à Bon Voyage Organisation.
Mais revenons en 2020. Pandémie, confinement, Clusters. C'est sous ce doux nom que parait en juillet dernier la première mixtape d'un Pierre III nouvellement en solo, et enfermé chez lui. Vingt minutes de productions hétéroclites et parfois mystérieuses découlent de cette quarantaine, où le musicien a pu expérimenter et composer à l'instinct. Juste avant, il avait publié deux titres plus proches de ses standards pop : "Touché" et "Mouvement". Des chansons remplies de mélodies entrainantes et de mots simples, publiées sur des compilations du label La Souterraine, qui œuvre depuis des années à célébrer l'underground hexagonal.
Retardé par le calendrier perturbé d'une année "statique et immobile", c'est désormais au tour de "Mouvement" d'être mis en images dans une réalisation des frères Grégoire et Sanislas Bécot, membres du collectif artistique CESTAINSI :
"D'après son idée [de Pierre III] d'illustrer le mouvement sous la forme d'un grand collage, nous avons assemblé des images montrant l'agitation constante de notre planète et de ses habitants à des échelles macroscopiques et microscopiques", nous expliquent ces derniers, "[...] nous avons voulu signifier une overdose d'activité humaine en allant du concret à l'abstrait."
Alors entre couleurs saturées, effets phasants et lumière stroboscopique, il ne tient qu'à toi de "suivre le mouvement". Car comme nous a confié Pierre III :
"Il existe des mouvements invisibles à l’oeil nu.
L’univers en expansion, les plaques tectoniques sous nos pieds, un amour qui s’étiole…
« Rien ne dure vraiment, tout bouge lentement »"
Par Elie Chanteclair