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Emodrill : l'alternative au rap français ?

Dernière mise à jour : 18 oct. 2020

La Maison Blanch a parlé. Avec Emodrill - Le Nouveau Western, l'écurie dirigée par le réalisateur Gizo Evoracci donne vie à une dense compilation de vingt-cinq titres, où les voix et les flows se frottent aux sonorités d'un rap peu enclin aux compromis. Derrière l'halluciné Retro X, officiant comme figure de proue et fil conducteur du projet, on retrouve vingt-deux noms, dont Lala &ce, Jorrdee ou Captaine Roshi. Une flopée d'artistes bâtissant depuis des années l'avant-garde d'un hip-hop francophone de plus en plus standardisé.



"Ma vie est un film." Ce sont sur ces mots que s'ouvrent les portes d'Emodrill, adoptant par son titre le style musical autoproclamé de Retro X. Le rappeur originaire de Melun, particulièrement prolifique avec trois projets à son actif depuis le début de l'année, entame les hostilités avec une recette qui n'appartient qu'à lui - et quelques-uns de ses comparses. A la fois identifiable et imprévisible, la formule Digi - comme il l'aime l'appeler - mélange paroles émotives et cryptiques, beats trap inspirés par la drill de Chicago et quelques ingrédients mystères, comme ce sample du duo écossais Boards of Canada ornant le premier titre.


Ce sont ces moments de grâce et d'audace qui donnent au Nouveau Wetsern tout son charme, rappelant la scène Soundcloud du milieu des années 2010. Un espace de liberté où les morceaux étranges, inclassables ou mal mixés (parfois même les trois) donnaient naissance à des fulgurances imprévues. Au milieu de vingt-cinq morceaux incluant un banger drill à la mode ("5ième Symphonie"), un nouveau délire de Jorrdee ("Dwayne Lest") et une poignée de titres aussi sombres qu'efficaces, quelques belles suprises se cachent. Douceur R'n'B ("Ciao Bye" ft. Léo) ou productions suprenantes ("Ma vie est un film" ; "Demon" ft. Lil Star ; "Vodoo" ft. Splinter x Spencer...) apportent la fraîcheur qu'on attend de ce genre de mixtape aux tracklists interminables.



A priori assez chaotique par sa longueur et son nombre d'invités, Emodrill parvient à captiver en se recentrant sur l'image. Endossant ici un rôle de directeur artistique, le réalisateur Gizo Evoracci chapeaute une série de clips publiés au compte-gouttes, faisant monter la sauce avant la sortie du projet. L'esthétique soignée des plans et des photographies y apporte une certaine cohérence, appréciable et plutôt inédite pour une compilation de rap français. Musique et ambitions cinématographiques tendent à se rejoindre, construisant la bande originale de ce Nouveau Western.


Une B.O. somme toute assez inégale, mais qui joue le jeu avec classe. Monnaie courante à la fin du siècle dernier, l'exercice de la compilation n'est en effet plus très répandu ; et à défaut d'être une réunion d'Avengers à la 93 Empire, la Maison Blanch parvient à dépoussiérer le format en fluidifiant ses codes. Si une bonne partie des morceaux n'a pas grand chose d'innovant à proposer (on y retrouve notamment un Captain Roshi et une Lala &ce en pilote automatique), les quelques prises de risque et les nouvelles têtes mises en avant, sublimées par une direction artistique léchée, valent le détour. Mais n'oublions pas le véritable héros du disque : à l'instar de la très belle pochette qui l'illustre, Retro X porte l'étendard de l'Emodrill avec élégance et brio. Reste à savoir s'il parviendra à transformer l'essai.


Par Elie Chanteclair


Retrouvez Emodrill - Le Nouveau Western sur Spotify



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