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Chemins croisés : Tim Dup x Hugo Pillard

Parce que la musique est rarement produite par un seul cerveau et une seule âme. Parce que l’océan qu’est l’industrie musicale amène les navires à se croiser, pour chavirer ensemble et provoquer quelques remous. Bienvenue dans chemins croisés.


Il y a quelque temps déjà, au milieu du mois de février, nous avons partagé un déjeuner avec Tim Dup et Hugo Pillard. Un moment chaleureux et familial pour parler de leur parcours à deux. « Devanture et envers du décor » pour citer le chanteur, ce duo rassemble Tim Dup auteur-compositeur et interprète, et Hugo Pillard qui cumule en plus de ces trois fonctions celle de réalisateur de courts-métrages et de clips (Videoclub, Pomme, Last Train). Plongeon au cœur d’une histoire d’amour.


Bonjour à tous les deux ! Pour commencer, pourriez-vous expliquer comment faire naître un clip à deux ?

Hugo Pillard : Ca évolue tout le temps. Les premières fois, on ne se connaissait pas encore très bien avec Tim, donc je lui amenais des idées. Au fur et à mesure qu’on soit devenu amis, on a commencé à écrire des histoires ensemble. Parfois Tim vient avec une idée puis on crée l’histoire ensemble. Il n’y a pas de règles.


Tim Dup : On essaie de mettre de la cohérence et de la justesse à chaque fois. Le but c’est de servir du mieux possible une chanson. On veut produire quelque chose de très réaliste tout en laissant une part d’énigme. Sans donner trop d’éléments de langage, c’est important dans un clip que chacun puisse en tirer des réponses, des conclusions propres à lui-même.


H : On a toujours aimé ne pas coller aux paroles de la chanson. Pour le clip de «Mourir Vieux » par exemple, on a écrit l’histoire ensemble sur un ticket de caisse dans un café. On voulait faire une comédie avec un brin de mélancolie. Donc on a eu cette idée d’un mec qui part en vacances avec sa femme qui n’existe pas. On a eu l’idée et on s’est regardé avec des étoiles dans les yeux. Dès qu’on se dit « C’est vraiment beau ! », alors on y va !


Quand vous écrivez un clip, vous le pensez comme une entité unique ou fait-il partie d’un tout (à savoir l’album) ?


T : Je pense qu’il y a une plus grande cohérence d’images sur le deuxième album Qu'en restera-t-il ? parce que l’histoire est plus lisible. Le premier disque Un peu de Mélancolie Heureuse était plus hybride – il partait dans tous les sens. Donc on ne cherchait pas une cohérence dans la ligne éditoriale à l’image. Alors que le deuxième, c’était évident.


H : On a plus réfléchi. Dans le documentaire [« Qu’en restera-t-il » sorti le 20 mars dernier], on a cherché des idées graphiques et des idées de montage qui donnent, je pense, une cohérence alors que Tim explore plein de thèmes différents.

T : Ce qu’on a toujours essayé de faire c’est de raconter des histoires avec l’art du contraste et de la nuance. Parfois, il y a une once de lumière qui va être plus compliquée à débusquer dans un morceau, le clip va être là pour la mettre en avant. Le clip de « Une envie méchante », par exemple, a une fin très lumineuse alors que dans la chanson, au contraire, ça se finit sur quelque chose de sombre. Le contraste est très important. Il y a toujours besoin, soit par la musique, soit par le texte, d’équilibrer. Avec l’image, on peut le faire d’autant plus.


H : En fait, c’est tellement instinctif quand on est tous les deux. On a fait un clip débile sur la reprise de « La vie ne vaut rien » d’Alain Souchon. Dans le train pour rejoindre Tim, je n’avais encore aucune idée pour le clip, et c’est là qu’il m’a envoyé un message en disant « Mec, je pourrais tomber amoureux d’un vélo ! ». J’ai trouvé ça super marrant, j’ai dit oui tout de suite – c’est ça qui est génial.


Mais comment vous êtes-vous rencontrés, au fait ?


H : Un peu en date arrangé de travail. L’éditeur de Tim a contacté Noki avec qui j’ai travaillé sur FAUVE qui m’a recommandé. C’est mon grand-frère sur FAUVE. Il m’a énormément appris : comment cadrer, comment filmer caméra au poing… Donc on s’est retrouvés dans un café près de République. On a parlé des Beatles en buvant des bières, c’était trop cool !


T : C’est marrant parce que la première fois qu’on s’est rencontrés, on était déjà assez intimes : on a parlé de nos amours, de nos histoires, nos personnalités.


H : Moi, je me souviens que j’avais peur. C’était la première fois que j’allais vraiment réaliser un clip pour quelqu’un. J’avais tellement eu une expérience « famille » avec FAUVE que j’avais seulement envie que Tim soit un chouette gars et qu’on devienne copains en travaillant ensemble parce que je ne savais pas faire autrement. On est tombés amoureux assez vite.


Pour le clip de « Vers les Ourses Polaires » vous êtes partis en Islande, alors que ce n’était que votre deuxième collaboration… Est-ce qu’il s’agit du clip le plus scénarisé ?

T : Au contraire ! On est partis sans savoir ce qu’on allait faire. Je savais que j’avais envie de mêler humain et nature. Hugo a eu l’idée d’inscrire des visages dans le clip comme un leitmotiv.


H : On faisait croire aux gens qu’on les prenait en photo pour capter le truc le plus vulnérable possible : la gêne, la détresse. On a pris des risques, on a fait des choses qu’on n'avait jamais fait encore, et c’est tellement rassurant de faire ça ensemble.


T : Le clip le plus écrit, c’était peut-être « Mourir Vieux ». C’est un des clips les plus bancales et artisanaux, l'histoire est loufoque et pourtant, c’est un de ceux qui fonctionnent le mieux. Quand tu vas au bout d’un truc sincère ou d’une intuition, tu te trompes rarement, et ça, on s’en est rendus compte en travaillant ensemble.


H : Quand on a eu l’idée au café, on trouvait ça vachement con mais à la fois, on était émus. On a énormément répété avec Tim car c’était la première fois qu’il jouait un personnage. On a récupéré, des années 50, un vrai marcel poussiéreux… On voulait qu’il tombe amoureux du vide et qu’il soit aussi complètement cinglé, bloqué dans les années 50 comme s’il vivait totalement dans un film. Je crois que c’est l’un de mes préférés.


Le titre « Visage de La Nuit » est une collaboration avec le réalisateur Raphael Levy. Qu’est-ce que ça a changé dans votre travail à deux ?


T : Un petit coup de pied au cul ! On s’est dit qu’on pouvait aller vers quelque chose de plus cinématographique. J’avais vu les clips de Raphael Levy pour Gaël Faye, dont « Irruption » et « Tôt le matin ». J’aime sa façon de filmer, il dirige très bien ses acteurs.


H : J’étais là et j’ai beaucoup appris aussi. Tu avais tout écrit ?


T : Oui, et Raphael a rebondi sur certaines idées. Avec Hugo on adapte beaucoup nos histoires en fonction de nos moyens, c’est beaucoup de débrouille. Quand tu vas au bout de ce que tu as écrit sans concession, tu vas forcément dans ton intuition la plus brute. Je n’aurais pas pu mieux imaginer les lieux dans lesquels on est allés tourner. Je voulais une ville en bord de mer dans un endroit désaffecté, une ville au Pays de Galle – c’était parfait !


On peut parler de votre dernier clip « Place Espoir » ?


T : Pour « Place Espoir », on est aussi allés au bout de l’idée.


H : C’est marrant, on a jamais fait un clip avec si peu de choses, mais on dirait limite un film. On l’a fait en trois matins… Je me souviens que j’étais réticent, ça me touchait moins. Et Tim m’a dit « Ecoute, on le fait, fais-moi confiance ».


T : J’avais l’intuition qu'en allant dans le quotidien intime des gens, on aurait un truc hyper à fleur de peau. Parfois, on a aussi des « accidents ». Par exemple, on a numérisé des images d’enfance et c’était logique de les mettre sur les mots de « Je te laisse » mais on le voit pas trop comme un clip, alors qu’on m’en parle souvent ! Je pense qu’un clip, finalement, c’est trouver l’alchimie la plus naturelle entre une chanson et les images. Parfois ce n’est pas forcément aller dans un truc élaboré et complexe, parfois c’est juste avoir une banque d’images et de mélanger tout ça. C’était le cas aussi du documentaire : trouver de la simplicité, de voir que le chaos peut être une réponse aussi.


H : Et comme on est proche, je peux avoir des images plus intimes comme le passage avec le grand-père de Tim qui a beaucoup touché les gens.


Avez-vous un pattern ?


T : On aime bien planquer des paires des fesses. La meilleure est dans "Vers les Ourses Polaires", entre deux rochers ! Tout part de là ! On en retrouve dans le documentaire, dans "Place Espoir", dans "La Vie Ne Vaut Rien"


H : Dans "Une Envie Méchante", on a tenté quelque chose de subtil, mais c’était un échec total. Il y avait un plan de drône au-dessus de la comédienne qui court dans la forêt, et Tim montre ses fesses au milieu de la course. On ne voyait que ça !


T : Comme pattern de travail, on se pousse mutuellement à s’éloigner de nos automatismes. On essaie de ne pas se reposer sur ce qu’on sait faire, on se met des petits coups de pied au cul. C’est une histoire d’amitié mêlée à une histoire de boulot – c’est ça qui est cool.


H : Je pense que c’est ça qui crée des histoires chouettes aussi. Maintenant, quand on écrit, il y a le facteur humain entre nous. On peut créer des choses à fleur de peau parce qu’on s’autorise à être vulnérable devant l’autre.


Un mot pour la fin ?


T: Cuillère.

H : Lit superposé… Il a un lit superposé, je trouve ça super drôle.


T : Un lit mezzanine ! Ca donne une petite cabane : « La cabane à Tim Dup ».



Propos recueillis par Prisci Adam.

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