top of page

BEST OF B.O #6 - Mars 2021

Chez Tourtoisie, on aime autant danser dans les salles de concert que s’asseoir au fond d’un siège moelleux devant un écran géant. En prêtant toujours une oreille attentive au contenu audio des films, une fière équipe de frondeurs est heureuse de vous présenter B.O.BINES, la branche cinématographique de Tourtoisie. En cette période de couvre-feu et de fermeture des cinémas, on vous a concocté une sélection des films qui ont marqué notre mois de Mars et disponibles sur les plateformes de streaming. Alors un peu à la ramasse sur les B.O qui ont marqué ce mois-ci ? B.O.BINES te prend la main et t'invite à plonger au coeur de ce qui a fait l'actualité ciné-musique de ces derniers temps à travers notre BEST OF des B.O du mois.

#1 - Beats de Brian Welsh

Beats © Wild Bunch Distribution

Faire la fête, en toute liberté, tentant n’est ce pas ? Au Royaume-Uni de 1994, pas de crise sanitaire, mais une toute autre tension plane sur le pays et sa jeunesse. Une loi appelée "Criminal Justice and Public Order Act" adoptée par le gouvernement de John Major augmente considérablement les pouvoir de la police, dont le contrôle des individus. Ayant pour but de restreindre des activités jugées anti-sociales et incompatibles au maintien de l’ordre public, ce nouveau dispositif interdit les rassemblement spontanés de plus de 10 personnes visant à écouter de la musique composée “d’une succession de beats répétitifs”. Les raves et les free parties sont les premières cibles.


C’est dans ce contexte socio-politique que Brian Welsh, connu pour avoir réalisé un épisode de la série Netflix Black Mirror développe son dernier long métrage. Beats, sorti en 2019, nous présente Spanner et Johnno, deux adolescents écossais en quête de liberté et d’émancipation face à leur quotidien. Le premier vit avec un frère extrêmement violent. L’autre voit sa mère se plier aux attentes de son nouveau conjoint qui veut faire déménager la famille. Animés par la musique électronique, les deux adolescents rêvent de pouvoir un jour assister à une vraie rave. C’est en écoutant une radio pirate visant à résister coûte que coûte au nom d’une révolte idéologique contre la discrimination des scènes alternatives que Spanner et Johnno vont pouvoir atteindre leur but, non sans difficulté, afin de faire la fête de leur vie avant de se séparer.

Beats © Wild Bunch Distribution

Orchestré par une BO constituée de classiques de la techno, de l’IDM et de la dance music au sens large, le film est un véritable hommage à la scène rave des années 90. On y retrouve des titres de The Prodigy, Liquid Liquid, Autechre, Leftfield ou Plastikman pour ne citer qu’eux. Les scènes de fêtes étant particulièrement envoutantes, on a souvent le réflèxe instinctif de monter le son. Mais plus qu’une ôde à la musique électronique, Beats est avant tout le témoignage poignant d’une amitié qui puise sa force dans un plaisir interdit par un système de répression. Illustré par une photographie en noir et blanc et un montage voyageant entre réalisme cru et psychédélisme onirique, Beats fait de son image et de son son les fondations d’un regard mélancolique sur la jeunesse et sur la fin d’une adolescence qui cherche à tout prix à se libérer et à se rassurer en affirmant ses différences.


Beats de Brian Welsh est disponible en streaming ici et la B.O. sur les plateformes de streaming.



Par Dimitri Sinitzki



#2 - The 20th Century de Matthew Rankin - B.O de Peter Venne & Christophe Lamarche-Ledoux


The 20th Century © Voyelles Films

Attention OVNI ! La comédie satirique The 20th Century est le premier long métrage du réalisateur canadien Matthew Rankin, qui avait déjà marqué les esprits avec ses courts métrages satiriques Mynarski chute mortelle et Tesla - Lumière mondiale . Univers absurde et décors carton-pâte sont au programme.


Avec ce film, Rankin se lance dans une réécriture très libre de l’histoire de l’ascension au pouvoir du personnage réel, Mackenzie King, premier ministre canadien du début du XXème siècle. En s’inspirant de son journal intime, Rankin donne à son personnage une allure d’homme frêle, légèrement naîf, sous la coupe de sa mère, préparé depuis toujours à accéder au pouvoir. Le film est situé dans un Canada distopique, avec pour emblème la Grande Dépression, mené par une dictature caricaturale et où le Québec fait office d’exception contre la politique mise en place. Obstacles et personnages rocambolesques, imaginaires ou réels (Arthur Meighen ou Joseph-Israël Tart, véritables hommes politiques canadiens), se mêlent à cette fiction complètement loufoque : que ce soit la compétition pour accéder au pouvoir qui implique endurance de guillis, concours de passive-agressivité … ou les mystérieux fantasmes de Mackenzie à la sexualité refoulée et imagée par un cactus éjaculateur.

Il est tout de suite très clair qu’il s’agit de tout sauf d’un biopic, et dans une interview donnée au webmagasine SlashFilm, le réalisateur explique qu'"un journal intime, en tant que document historique, ne fait pas autorité en matière de faits chronologiques", la subectivité est inhérente à la nature du document, et permet une liberté d'adaption. D’ailleurs le but n’est pas de montrer une quelconque réalité mais de faire la prouesse d’un exercice de style à l’esthétique extravagante et impressionnante d’effets visuels qui semblent sortis des décors d'un Mélies qui s'essaierait à l’expressionisme allemand : déformant la réalité pour y apporter problématiques et angoisses propres au jeune Mackenzie King et à cette société oppressante dans laquelle il vit. On ne peut s'empêcher de penser au cultimissime Brazil de Terry Gilliam, à la fois par les effets visuels dans la même veine et surtout pour le sujet, puisque que ce chef d'oeuvre des années 1980 dénonçait également une dictature administrative.


The 20th Century © Voyelles Films

La bande originale, composée par Peter Venne & Christophe Lamarche-Ledoux, est également une véritable prouesse sonore. Première collaboration des deux compositeurs canadiens, ces derniers ont vu les choses en grand. Instrumentale, très cinématographique, avec d'entrée de jeu, une musique orchestrale, très sérieuse, épique - qu’on pourrait retrouver dans un film à gros budget américain – et qui fait écho à la musique angoissante de la fin "A Most Unswift Departure", comme une fin de bataille. En contraste, le titre "Ruby", merveilleuse balade acoustique classique, ou encore "Lieu de L’Oiseau", bien plus expérimentale (électronique, percussion, vent …). On se demande surtout comment Rankin, pour un film à petit budget, a pu accompagner son film d’une bande sonore aussi riche, aussi variée.


The 20th Century est un film à voir c'est certain, parce qu’il n’y en a pas deux par an des comme ça (par décennie ?). Lauréat du meilleur premier film canadien au Festival de Toronto, il voyage à travers les festivals, mettant en lumière un talent fou et unique, celui de son réalisateur Matthew Rankin.


The 20th Century (2019) de Matthew Rankin est disponible sur MUBI et Criterion et la bande originale de Peter Venne & Christophe Lamarche-Ledoux est disponible sur les plateformes de téléchargement.




Par Emma de Bouchony



#3 - El Reino de Rodrigo Sorogoyen - B.O d'Olivier Arson


El Reino © Tornasol Films

Un montage au rythme effréné, une composition musicale originale, une affaire de corruption portée par Antonio de La Torre : tous les éléments sont réunis pour tenir en haleine le spectateur. Rodrigo Sorogoyen collabore à nouveau avec le compositeur français Olivier Arson après avoir travaillé ensemble sur Que dios nos perdone en 2017. El Reino, sorti en avril 2019 en France, retrace l’histoire de Manuel López-Vidal, un homme politique influent qui se voit impliquer dans une affaire de corruption alors même qu’il s’apprête à vivre un tournant majeur dans sa carrière. Sans tomber dans une description manichéenne des personnages, en maîtrisant les codes du thriller tout en se détachant de ses contraintes, El Reino surprend par sa cadence et sa maîtrise du non conventionnel.


Un récit contemporain sur une bande son électro qui détonne tout en renforçant l’urgence et la gravité de la situation, notamment pour le personnage principal. La tension est permanente faisant de ce thriller politique une affaire palpitante. Le spectateur est pris dans un engrenage infernal : la musique, quasi omniprésente, nous rappelle que Manuel est loin d'être tiré d'affaires, piégé dans un cercle vicieux.


El Reino © Julio Vergne

Si pour Olivier Arson la lecture du scénario fut une étape déterminante dans sa création, on note une BO construite autour du protagoniste. Le rythme techno est très soutenu au début du film puis se désagrège et se noircit progressivement, suivant l’état d’esprit de Manuel : son arrogance et sa vanité se transforment petit à petit en un sentiment de perte de crédibilité et de stress. Le compositeur s’exprime dans un entretien avec le CNC à propos de sa relation de travail avec Rodrigo Sorogoyen: “Je me souviens très bien qu'il me répétait : “Je veux des machines!” C’était très clair dès le départ que nous ne voulions pas d'une musique classique de thriller mais quelque chose de très rythmé, qui casse un peu les codes. L’idée n’était surtout pas de valoriser les personnages avec une musique grandiloquente mais au contraire de les baigner dans une atmosphère poisseuse, presque vulgaire” (source : CNC). Le pari fou d’une composition électro, organique et saisissante est plus que réussi.


Olivier Arson utilise des sons répétitifs, nous livre une trame quelque peu linéaire autour de synthétiseurs presque tranchants. Puis s’enchaîne un étonnant virement de bord : la musique se veut totalement absente de la fin du film. Effet de style mais pas uniquement : ce silence prend dans le récit tout son sens.


Le compositeur a notamment obtenu le prix Goya de la meilleure musique en 2019 pour ce fabuleux polar.


El Reino est disponible sur UniversCiné et sur MyCanal et la Bande Originale sur les plateformes de streaming.



Par Adèle Hurier



LOGO THYTE.png
bottom of page