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B.O.BINES #8 : Seules les bêtes, quand la musique n'adoucit pas les moeurs

Chez Tourtoisie, on aime autant danser dans les salles de concert que s’asseoir au fond d’un siège moelleux devant un écran géant. En prêtant toujours une oreille attentive au contenu audio des films, une fière équipe de frondeurs est heureuse de vous présenter B.O.BINES, la branche cinématographique de Tourtoisie. Cinéma indépendant, bandes originales renversantes, compositeurs émergents… C’est avec grand plaisir que chaque mois, nous vous partageons nos coups de cœur musicaux du grand ... et du petit écran (confinement oblige, et oui !). En cette période de fermeture des cinémas, nous partons à la conquête des plateformes de VOD pour vous dénicher les pépites qui s'y cachent.


Seules les bêtes © Haut et Court


Notamment connu pour Harry un ami qui vous veut du bien, polar phare du cinéma français, Dominik Moll pratique avec perfection l’exercice du thriller et l’art du rebondissement.


Son dernier film, Seules les bêtes, sorti en 2019, peint le récit de la recherche d’une femme disparue suite à une tempête de neige. Plusieurs histoires s’articulent autour de cette intrigue et impliquent des personnages aux vies bien différentes, dont le lien n’est pas si évident. Adapté du roman éponyme Seules les bêtes de Colin Niel, Dominik Moll et Gilles Marchand (le co-scénariste) revisitent le genre du thriller en y introduisant un enjeu contemporain : l’illusion créée par les réseaux.


Benedikt Schiefer, compositeur de musique et producteur allemand - qui a notamment réalisé la même année la BO de La Vie invisible d'Eurídice Gusmão de Karim Aïnouz - travaille pour la première fois avec Dominik Moll et nous livre une composition singulière avec une partition de clavier et de violon.



Cette bande originale qui vient sublimer ce thriller, entremêle le fantastique et l’irréel avec l’angoissant et l’étrange. L’accent dramatique de certains morceaux de cette bande son évoque l’univers fort de Gustav Mahler, dont le sens de la démesure est souvent invoqué et dont les sonorités sont presque grinçantes. On note aussi une atmosphère proche du merveilleux avec les influences de Gabriel Fauré, dont certains passages où le piano déferle en vagues. De cette combinaison d’univers musicaux, se dégage une modernité, là où le temps semble s’être arrêté. Cette ambiance énigmatique contraste avec le climat sonore angoissant et pesant tout au long du film.

Si le spectateur est, pendant presque deux heures, tenu en haleine sur cette musique originale des plus subjuguantes, le film se termine par une note romantique et mélancolique avec au générique “Tu t’en vas” de Bertrand Belin et Barbara Carlotti, repris du tube d’Alain Barrière de 1975. Ce choix de morceau détonne alors avec le reste du film et étonne une fois de plus le spectateur.


Seules les bêtes © Razor Film Produktion


De la montagne enneigée au soleil brûlant de Abidjan, les destins de plusieurs personnes vont se rejoindre, dictés par la solitude, la folie. Le suspense est fort et le mystère vient se heurter à la triste vie des personnages. La structure du roman se retrouve dans celle du film : les séquences du film concordent avec la vision particulière de chaque protagoniste. “À chaque nouveau chapitre se dévoile une couche supplémentaire du récit global, (...), qui apporte un éclairage nouveau sur ce qui a pu se passer. Cet éclairage créant lui-même de nouvelles zones d’ombre. Cette structure singulière rend aussi le spectateur particulièrement actif. Changer de point de vue peut dérouter un instant mais ça devient vite ludique et excitant” selon Dominik Moll lui-même (Source :Haut et Court).


L'œuvre de Benedikt Schiefer transcende cette rudesse hivernale qui frappe les causses cévenols et nous permet de comprendre progressivement l’envergure des actes de chaque personnage. La complexité de cette BO est le reflet de l’intrication des registres différents du film. La collaboration entre Benedikt Schiefer et Dominik Moll est efficace et structure de manière intelligente le film, mettant en lumière le caractère habile du puzzle qu’il constitue. C’est véritablement cette bande originale qui va positionner le film entre thriller, drame psychologique, faisant de ce dernier un ovni du polar rural.


Des acteurs jouant avec brio, un casting surprenant mais plus que réussi avec Damien Bonnard, antipathique, des plus inquiétants mais intrigant à la fois. On retrouve également Laure Calamy dans un rôle bien plus dramatique que ceux qu'elle interprète habituellement, mais aussi Denis Ménochet qui interprète un personnage très touchant, d’une grande solitude. Ces acteurs sont comme pris au piège dans leur quête de l'amour car, gagnés par le genre film noir.


Le film Seules les bêtes de Dominik Moll est disponible sur Amazon Prime Vidéo et la bande originale sur les plateformes de streaming.



De Adèle Hurier




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