Ce vendredi 26 juin, Antonin Appaix dévoile son premier EP, Aquaplaning. Fruit d'un processus de plusieurs années, le disque est l'aboutissement de la rencontre entre le chanteur et le label parisien Cracki Records, au bord de la mer Méditerranée. Un opus qui recueille avec finesse luxe, calme et volupté. Rencontre.

Quelque part au milieu des Calanques, une voiture longe la route, alors que le soleil commence à décliner. Elle va vite, un peu trop. Dans un virage incertain, c’est la sortie de route – l’envol. Mais alors que l’on s’attend à entendre un terrible fracas, à voir des flammes grimper dans les airs, il n’en est rien. La voiture poursuit sa route, planante au-dessus de la mer, suspendue dans le temps. C’est un peu la scène évoquée par Aquaplaning, le titre du premier EP d’Antonin Appaix, ou du moins, l’image qu’il a souhaité transmettre.
20 000 lieues sous les mers
S’il vit une grande partie de l’année auprès de la mer Méditerranée, ne prenez pas Antonin Appaix pour l’un de ses adeptes du far niente, vantant les mérites des cocktails sur la plage dans sa musique salée. L’amour de l’artiste pour l’univers marin se rapproche plutôt de l’obsession : “Enfant, j’allais pêcher entre midi et deux. La crique en bas de chez moi, j’en connais tous les rochers. Ce qui m’intéresse, c’est de comprendre comment marche un éco-système ”. Même dans ses textes, Antonin Appaix signale que son intérêt se trouve plutôt sous la surface qu’au-dessus : “La surface nous avale / Viens avec moi sous l’eau / Ta peau contre ma peau ” peut-on entendre dans “Ta Peau Contre Ma Peau”, premier single du chanteur depuis sa signature au sein du label parisien Cracki Records (écurie d’Agar Agar et de Lucien & The Kimono Orchestra).
Rien n’arrive par hasard : Antonin Appaix a grandi à Marseille, avant de poursuivre une licence de cinéma entre Montpellier et Paris. Ses premiers pas dans la création se font par le biais des arts plastiques et des vidéos aux inspirations sous-marines, alors qu’il entre aux Beaux-Arts de Lyon. Mais rapidement, l’école se révèle trop académique. Nouveau changement, avec un départ pour Mexico City, avant de revenir sous la grisaille de Paris. Cinéma, sculptures, vidéos… La musique est à 20 000 lieues de l’univers de l’artiste, qui le confesse avec humour : “J’ai passé ma vie à échouer à apprendre d’un instrument !”. Malgré sa modestie, cela n’est pas si vrai.
La crise du désir
Avant de se lancer en solo, Antonin Appaix est passé par quelques groupes au son bien plus rock que les morceaux délicats d’Aquaplaning. D’abord, il y a eu Les Jolis, “groupe de jeunesse” qui débute alors que le chanteur a 15 ou 16 ans, lié par une amitié qui le fait perdurer plusieurs années. Jeanne & Olivier ensuite, à la formation plus pop. C’est suite à la disparition du batteur, ami proche d’Antonin Appaix, que l’apprenti musicien décide de se lancer seul. La découverte des machines et les conseils de son ami Pierre Rousseau (anciennement moitié du groupe Paradis) participent à la composition de premières chansons timides. Mais elles n’en sont pas le seul facteur : “Ma pratique de plasticien était un peu en train de se mordre la queue. Je sentais qu’il y avait une crise de désir. Je ne trouvais pas de lieu où me projeter dans le monde des galeries”.
Ainsi naît la patte d’Antonin Appaix, où se mêlent la chanson française qui résonnait chez lui – de Serge Gainsbourg à George Brassens –, les films intimes du cinéaste italien Nanni Moretti ou bien la mer calme de La Collectionneuse d’Eric Rohmer (1967). Un univers doux et paisible qui séduit le label Cracki en été 2018, alors que ses membres croisent la route d’Antonin Appaix au bord de la mer Méditerranée. Il aura fallu attendre deux ans pour voir fleurir Aquaplaning, opus de cinq titres où se reflète l’univers du chanteur, qui le définit si bien lui-même : “Je vis en vase clos entre l’amour et la mer et mes petits instruments”.
Propos recueillis par Lolita Mang
Écoutez Aquaplaning sur Spotify