Sous le feu des projecteurs, devant une salle comble, les musiciens et musiciennes fascinent toujours, de l'Olympia à la Cigale. Il est facile d’oublier que derrières les artistes, se cache une équipe : les ingénieur.e.s, manageur.se.s, réalisateur.rice.s, attaché.e.s de presse ou encore stylistes, dont le travail est tout aussi important, bien que trop souvent dans l’ombre. Afin de mieux comprendre comment fonctionne l’industrie musicale, et pour rendre un certain hommage à ces nombreux.se.s professionnel.le.s, découvrez la rubrique 99%.

Si vous êtes adepte des scènes undergrounds parisiennes de la Maroquinerie à la Boule Noire, vous avez peut-être déjà croisé Sophie Newman. Oreille attentive devant les concerts et oeil aiguisé derrière son appareil photo argentique, Sophie Newman, qui pourrait être une échappée de la famille Lisbon dans Virgin Suicides, veille attentivement sur Whyte Sands, Polycool et Moonsters. Autour d’un pavé de saumon exquis aux “Ptits Gros”, nous nous sommes entretenus avec elle, après l’avoir rencontré à l’Espace B dans le cadre de notre soirée Fêlée où Whyte Sands était programmé.
Sophie est l’une des trois managers de l’association La Belle Affaire, une structure de management, conseil et relations presse aux côtés de Nicolas Chiacchierini et de Zoé Vidal-Reiser. Cette agence de management s’occupe de six groupes dont, entres autres, les musiciens de Biche et le duo acid Sci-Fi Ovhal44.
La belle affaire, c’est une histoire d’amitié et d’ambition. C’était le désir pour ces trois amis de commencer à travailler en tant qu’indépendants. Ils ont monté cette structure pour avoir tous leurs groupes en même temps. Sous la même bannière de management, ils utilisent leur réseau individuel pour s’entraider et faire rayonner leurs groupes mutuels : « On s'entraide, chacun bosse ses projets mais on s'aide en fonction de l'expertise de chacun ».
Passionnée depuis toujours par la musique, le métier de manageuse d’artistes attire très vite Sophie. C’est lors d’une soirée qu'elle rencontre Alexis Fugain, leader de Biche, qui lui fait découvrir la scène pop parisienne dans les petites salles de la capitale. Révélation. Ayant ainsi trouvé sa voie, elle rentre en licence à la Sorbonne Nouvelle où elle dédie tous ses devoirs au sujet du management. Elle y rencontre Thibault Bourgeais, programmateur du festival Freak Pop Festival à Angers. Ni une, ni deux, elle lui parle de Biche, et voilà le groupe en route pour le festival. Plus tard, en 2017, elle fonde La Veillée Pop avec Théo Baraize, inspirée par l’activité de l’association Les Freaks des Champs. Leur but ? Organiser des soirées à Paris et faire découvrir la scène émergente : « Quand on a lancé la Veillée Pop avec Théo, on a tellement aimé qu'on a décidé de monter notre propre association. Et puis, en rencontrant des musiciens, devenus des amis, j’ai commencé le management ».
3 : le nombre d’or en management d’artistes. Via son travail au sein de La Veillée Pop, elle rencontre Tino Gelli du groupe Polycool : « J'ai commencé et appris avec Polycool. Ensuite Moonsters est arrivé, et Tino m’a proposé de manager son autre groupe Whyte Sands ». 3 groupes. La règle d’or, chez les managers, est de ne pas dépasser ce fameux chiffre. En effet, le manager doit être disponible, à l’écoute et dévoué pour les artistes qu’il défend. Un subtil mélange de conseil, de stratégie, d’humain et d’artistique. Alors, 3, c’est le bon chiffre ? À cette question, Sophie évoque la carte de l’organisation : aucun des groupes ne doit se sentir délaissé : « Il n’y a pas de leader, donc c’'est compliqué, mais intéressant. En tout, je travaille avec 11 personnalités différentes ! »
Tout le travail du manager gravite autour de ces personnalités : « Pour certains groupes je m’occupe plutôt de l’identité visuelle, pour d’autres plutôt du démarchage de festival, pour un autre ce sera les relations presse, ça dépend de l'avancement de chaque projet. ». Par exemple, pour Whyte Sands, Sophie Newman les aide à définir leur identité, la façon dont ils vont communiquer. Tandis que pour Polycool, elle est à l'étape du démarchage de festival (ndlr: ils étaient d'ailleurs programmés à We Love Green cette année) : « D’abord, il fallait travailler leurs réseaux sociaux, les inscrire à la SACEM, les faire entrer en enregistrement puis développer les stratégies de sorties d’album. D'ailleurs on a tellement décalé la sortie, j'ai cru qu'ils allaient me tuer ! (Rires.) Mais c’était le temps qu’il nous fallait pour trouver des partenaires. Ainsi ils ont pu passer à la radio et être distribués à la FNAC, entre autres. »
Ce n’est que récemment que Sophie Newman a décidé de plonger tête baissée dans l’aventure de manageuse : « En octobre, j’ai fini un stage au service commercial et fabrication chez Because Music. Maintenant, je me laisse un an pour travailler avec mes groupes. Évidemment, c’est difficile de gagner sa vie, sachant que l’on touche 15% des cachets des artistes qui jouent surtout dans des bars ». Une situation d’autant plus fragile lorsque l’on est une femme, précise la manageuse : « Parfois, on me prend pour la photographe ou la copine d’un membre du groupe. Heureusement, les musiciens ne le tolèrent pas et me défendent ! J’ai également été approchée par des artistes qui souhaitaient travailler avec moi dont la seule raison était : “parce que tu es mimi et que je trouve que tu présentes bien” ». De plus en plus, les femmes de l’industrie musicale prennent la parole pour dénoncer de tels comportements. Rappelons le percutant manifeste paru dans Télérama il y a un an.
Et puis enfin, car la question nous titillait, il a fallu la poser : qui se cache donc derrière le personnage de La Crampe, ce mystérieux inconnu qui accompagne Polycool partout ? “Il est complètement dans le projet ! Je le compte dans ma technique !” rit la manageuse.
Depuis le début du confinement, Sophie crée des playlists tous les deux jours. A découvrir ici.
Découvrez également ses artistes : Moonsters, Whyte Sands & Polycool !
Propos recueillis par Prisci Adam